Le Troisième Reich, T1
Neville Henderson avait pris
l'initiative d'en suggérer l'idée dans une dépêche à Londres. Il proposait que
quatre puissances : Allemagne, Italie, Grande-Bretagne et France règlent
ensemble le problème des Sudètes. Mais le Foreign Office
avait rappelé à l'ambassadeur et au Premier Ministre qu'il serait difficile
d'empêcher d'autres puissances de prendre également part à une telle conférence
(67). Ces « autres puissances », c'était en fait la Russie, liée par un pacte
d'assistance mutuelle avec Prague, et la Tchécoslovaquie elle-même.
Chamberlain était revenu de Godesberg convaincu,
à juste titre, qu'Hitler ne consentirait jamais à une rencontre à laquelle
participerait la Russie soviétique. D'ailleurs le Premier Ministre lui-même ne
souhaitait pas la présence des Russes. Certes, en Grande-Bretagne, les esprits
les moins éclairés avaient eux-mêmes compris qu'au cas d'une guerre contre
l'Allemagne la participation des Soviets aux côtés des puissances de l'ouest
serait d'un prix énorme, et Churchill avait maintes fois attiré sur ce point
l'attention du chef du gouvernement, mais cette évidence semble avoir échappé
au Premier ministre.
Comme nous l'avons vu, il avait décliné l'offre des Soviets
quand ceux-ci, après l'Anschluss, envisageaient la réunion d'une conférence
pour discuter les mesures à prendre en vue d'éviter une nouvelle agression
allemande. Malgré la garantie donnée par Moscou à la Tchécoslovaquie, et bien
qu'au moment même Litvinov affirmât que la Russie remplirait ses engagements, Chamberlain,
fermement résolu à sauvegarder la paix en donnant à Hitler le pays des Sudètes,
n'avait nulle intention de laisser les Soviets l'en empêcher.
Mais avant le mercredi 28 septembre, il n'envisageait pas encore
d'exclure les Tchèques d'une conférence. Le 25, quand Prague eut rejeté les
demandes hitlériennes de Godesberg, le Premier Ministre
avait fait appeler Jan Masaryk, ambassadeur de
Tchécoslovaquie à Londres, pour lui demander si Prague consentirait à ce que
des négociations fussent confiées « à une conférence internationale à laquelle
l'Allemagne, la Tchécoslovaquie et d'autres puissances pourraient participer ».
Le lendemain, le gouvernement tchèque avait accepté cette suggestion. Et, comme
nous venons de le voir, dans le message qu'il adressa à Hitler tard dans la
soirée du 27, Chamberlain avait spécifié que « les représentants de la
Tchécoslovaquie » feraient partie de la conférence projetée entre l'Allemagne,
l'Italie, la France et la Grande-Bretagne.
LE « SOMBRE MERCREDI » ET LE COMPLOT
HALDER CONTRE HITLER
Quand se leva l'aube du 28 septembre, le « sombre mercredi »,
une atmosphère sinistre pesait sur Berlin, Prague, Londres et Paris. La guerre
paraissait inévitable.
Jodl note que Gœring déclara ce matin-là : « Il n'est plus
possible maintenant d'éviter une guerre générale. Elle durera peut-être sept
ans et nous la gagnerons (68). »
A Londres, on continuait à creuser des tranchées, à évacuer les
écoles et les hôpitaux. A Paris, on se bousculait pour monter dans les trains
bondés qui quittaient la ville et, à la sortie de la capitale, la circulation
automobile était embouteillée. Les mêmes scènes se déroulaient dans l'ouest de
l'Allemagne. Le matin, Jodl nota à la hâte dans son journal que des réfugiés
allemands fuyaient les régions frontières. A deux heures après midi, le délai
accordé par Hitler à la Tchécoslovaquie pour accepter les propositions de
Godesberg serait écoulé. Aucun signe n'était venu de Prague permettant de
supposer qu'elles seraient acceptées. On aurait cependant pu discerner d'autres
indices : l'activité fébrile qui régnait à la Wilhelmstrasse, les allées et
venues incessantes et affolées des ambassadeurs de France, de Grande-Bretagne
et d'Italie. Mais cela le grand public l'ignorait, ainsi d'ailleurs que les
généraux allemands.
Pour certains des généraux et pour le général Halder, chef
d'état-major général, le temps était surtout venu de mettre à exécution le
complot qui devait renverser Hitler et empêcher la mère patrie de se précipiter
dans une guerre européenne qu'elle était, selon eux, vouée à perdre. Pendant
tout le mois de septembre, les conspirateurs, selon le récit que devaient faire
plus tard les survivants [128] ,
avaient travaillé avec acharnement à la mise au point de leur plan.
Le général Halder était en contact
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