Le Troisième Reich, T1
la
responsabilité de dicter leur conduite aux Tchèques. C'était à eux de prendre
leur décision.
Était-ce vraiment à eux? Benès n'avait pas encore eu le temps de
répondre à ce télégramme quand il en arriva un second, dans lequel Chamberlain
tentait justement de dicter sa conduite au gouvernement tchèque. Il lui
proposait d'accepter une occupation militaire limitée, à la date du 1er
octobre, de la région d'Eger et de Asch, à l'extérieur des fortifications
tchèques; après quoi une commission de frontière germano tchéco britannique
délimiterait rapidement le reste du territoire devant être transmis aux
Allemands [127] .
Et le Premier Ministre ajoutait un nouvel avertissement :
Si cette solution n'est pas acceptée, alors ce sera
l'invasion et le démembrement du pays par la force, et la Tchécoslovaquie, même
s'il éclatait un conflit qui provoquerait des pertes de vies incalculables, ne
pourrait être reconstituée dans ses frontières, quel que soit le résultat de ce
conflit (64).
Les Tchèques étaient ainsi avertis par leurs amis (la France
s'associait à ces dernières propositions) que, même si, avec l'aide de leurs
alliés, ils réussissaient à vaincre Hitler, il leur faudrait céder les Sudètes
à l'Allemagne. La conclusion était claire : « Pourquoi plonger l'Europe dans
une guerre, puisque, de toute façon, le pays des Sudètes est perdu pour vous? »
Cette affaire réglée, le Premier Ministre prononça le soir à
huit heures trente un discours radiodiffusé :
N'est-il pas effroyable, fantastique, inouï, que nous
soyons en train de creuser des abris... à cause d'une querelle surgie dans un
pays lointain, entre des gens dont nous ne connaissons rien!
Hitler avait obtenu « la substance de ce qu'il désirait ». La
Grande-Bretagne avait proposé de garantir que les Tchèques accepteraient et
rempliraient les conditions posées.
Je n'hésiterais pas à entreprendre un troisième voyage en
Allemagne si je pensais qu'il puisse être de quelque utilité... Quelle que soit
notre sympathie pour une petite nation aux prises avec un grand et puissant
voisin, nous ne pouvons, en toutes circonstances, nous engager à entraîner
l'empire britannique tout entier dans une guerre, uniquement à cause d'elle. Si
nous devions nous battre, il faudrait que ce fût pour des causes plus importantes...
Je suis pour ma part un homme pacifique, jusqu'au plus
profond de mon âme. Un conflit armé entre nations m'apparaît comme un
cauchemar, mais, si j'avais la conviction qu'une nation quelconque a décidé de
dominer le monde par la menace de la force, j'estimerais que c'est un devoir de
lui résister. Sous une telle domination, pour un peuple qui croit à la liberté,
la vie ne vaudrait plus la peine d'être vécue; mais la guerre est une chose
terrible et avant de nous lancer dans un conflit il nous faut avoir l'absolue
certitude que ce sont vraiment des problèmes essentiels qui sont en jeu.
Wheeler-Bennett a écrit qu'après avoir écouté cette allocution
la plupart des Britanniques allèrent se coucher ce soir-là, persuadés que la
Grande-Bretagne et l'Allemagne seraient en guerre dans les vingt-quatre heures
(65). Mais le bon peuple ignorait ce qui s'était passé à Downing Street, un peu
plus tard dans la soirée.
A dix heures trente arriva la lettre d'Hitler. Mince planche de
salut que le Premier Ministre saisit avec avidité. Il répondit au Führer :
Après avoir pris connaissance de votre lettre, j'ai la
certitude que vous pouvez obtenir l'essentiel sans guerre et sans délai. Je
suis prêt à venir moi-même à Berlin immédiatement pour discuter les
dispositions à prendre en vue de la cession, avec vous et les représentants du
gouvernement tchèque, en même temps qu'avec des représentants de la France et
de l'Italie si vous le désirez. J'ai la conviction que nous pourrions parvenir
à un accord dans un délai de huit jours. Je ne puis croire que vous prendrez la
responsabilité de déclencher une guerre mondiale qui risque de détruire la
civilisation, à cause d'un retard de quelques jours apporté au règlement d'un
problème déjà ancien (66).
Un télégramme partit également à l'adresse de Mussolini, le
priant d'insister auprès du Führer pour qu'il acceptât
cette proposition et de consentir à être lui-même représenté à la rencontre
proposée.
Depuis quelque temps déjà, le Premier Ministre ruminait l'idée
d'une conférence. Dès le mois de juillet, Sir
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