Le Troisième Reich, T1
spectacle auquel j'ai
assisté ce soir me rend presque un peu de confiance dans le peuple allemand. Il
est farouchement hostile à la guerre.
A la Chancellerie, on avait encore reçu de mauvaises nouvelles
provenant, celles-là, de l'étranger. Selon une dépêche de Budapest, la
Yougoslavie et la Roumanie avaient informé le gouvernement hongrois qu'elles
prendraient des mesures militaires contre la Hongrie si celle-ci attaquait la
Tchécoslovaquie. Pareille décision aurait pour effet d'étendre la guerre jusque
dans les Balkans, et cela Hitler ne le voulait pas.
Les nouvelles de Paris étaient plus graves encore. L'attaché
militaire allemand avait envoyé un télégramme « très urgent » adressé non
seulement au ministère des Affaires étrangères, mais à l'O.K.W. et à
l'état-major général. En France, la mobilisation partielle ressemblait beaucoup
à une mobilisation totale, « à tel point, disait-il, qu'à mon avis 65 premières
divisions seront déployées sur la frontière allemande dès le sixième jour de la
mobilisation ». Contre une telle force, les Allemands, Hitler le savait fort
bien, disposaient à peine d'une douzaine de divisions, dont la moitié se
composaient d'unités de réserve d'une valeur douteuse : « De plus,
télégraphiait l'attaché allemand, il paraît probable que, dans l'éventualité de
mesures de belligérance de la part de l'Allemagne, une attaque immédiate aura
lieu, vraisemblablement à partir de la Basse-Alsace et de la Lorraine, en
direction de Mayence. »
D'autre part, ajoutait l'officier allemand, les Italiens ne
faisaient absolument rien pour immobiliser des troupes françaises sur la
frontière franco-italienne (60). Mussolini, le vaillant allié, semblait lâcher
Hitler au moment critique.
Et puis, le président des États-Unis et le roi de Suède s'en
mêlaient. La veille, le 26 septembre, Roosevelt avait adressé à Hitler un appel
en faveur de la paix et, bien que le dictateur lui eût répondu dans les
vingt-quatre heures que le sort de la paix dépendait uniquement des Tchèques,
il arriva, au cours de la journée du mercredi 27, un nouveau message du
Président, dans lequel il proposait la réunion immédiate d'une conférence de
toutes les nations directement intéressées et donnait à entendre que, si une
guerre éclatait, le monde entier en rendrait Hitler responsable (61).
Le roi de Suède, fidèle ami de l'Allemagne, comme il l'avait
prouvé pendant la guerre de 1914-1918, s'exprimait avec plus de franchise
encore. Une dépêche du ministre allemand à Stockholm arriva à Berlin dans
l'après-midi. Le roi, disait-il, l'avait convoqué d'urgence pour lui dire que,
si Hitler ne retardait pas de dix jours la date limite fixée par lui au 1er
octobre, une guerre mondiale éclaterait inévitablement, dont l'Allemagne
porterait seule la responsabilité et que, par surcroît, elle la perdrait, non
moins inévitablement, « étant donné l'actuelle coalition des puissances ». Dans
l'atmosphère paisible et neutre de Stockholm, l'habile roi était en mesure de
juger la situation militaire de façon plus objective que les chefs de
gouvernement de Berlin, de Londres ou de Paris.
Le président Roosevelt, comme il y était
peut-être obligé pour ne pas heurter l'opinion publique américaine, avait
atténué la portée de ses deux appels à la paix en insistant sur le fait que les
États-Unis n'interviendraient pas dans une guerre, pas plus qu'ils
n'assumeraient d'obligations « dans la conduite des négociations en cours ».
L'ambassadeur d'Allemagne à Washington, Hans Dieckhoff,
crut donc nécessaire d'expédier à Berlin un câble très urgent au cours de la
journée. Il avertissait son gouvernement que, si Hitler avait recours à la
force et que la Grande-Bretagne intervînt, il avait de bonnes raisons de
supposer que « tout le poids des États-Unis serait jeté dans la balance en
faveur de la Grande-Bretagne ». Et l'ambassadeur, habituellement timide quand
il s'agissait de tenir tête au Führer, ajoutait : « J'estime qu'il est de mon
devoir d'insister très vivement sur ce point. » Il ne voulait pas que le
gouvernement allemand, retombant dans les mêmes erreurs qu'en 1914, se méprît
sur les véritables intentions de l'Amérique.
Pendant ce temps, que se passait-il à Prague? Y montrait-on
quelque signe de faiblesse? Dans la soirée, l'O.K.W. reçut un télégramme du
colonel Toussaint, l'attaché militaire allemand : « Calme à Prague.
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