Le Troisième Reich, T1
texte de sa note officielle. Le soir du 29 août, il exigea qu'un
émissaire nanti des pleins pouvoirs de négocier se présentât à Berlin le
lendemain. On ne peut douter qu'il projetait de lui infliger le traitement
qu'il avait fait subir au chancelier d'Autriche et au président tchécoslovaque
dans des circonstances qui lui paraissaient identiques.
Si les Polonais, comme il en était sûr, n'envoyaient pas
d'émissaire à Berlin, ou même s'ils le faisaient et que le négociateur refusât
d'accepter les termes posés par Hitler, c'est sur la Pologne que retomberait
alors le blâme de repousser « un règlement pacifique ». A ce moment-là, on
pourrait persuader la Grande-Bretagne et la France de ne pas soutenir la
Pologne quand celle-ci serait attaquée. C'était peut-être primitif, mais
c'était simple et net [227] .
Mais, au soir du 29 août, Henderson ne voyait pas les choses
avec cette clarté. Alors qu'il était encore en train de travailler aux dépêches
à destination de Londres, où il décrivait sa rencontre avec Hitler, il convia
l'ambassadeur de Pologne à venir le trouver. Il le bourra de détails sur la note
allemande et sa conversation avec Hitler et, nous dit-il : « Je lui fis sentir
la nécessité d'une action immédiate. Je l'implorai, au nom des intérêts de la
Pologne, de presser son gouvernement de nommer sans délai quelqu'un pour la
représenter dans les négociations proposées (52). »
A Londres, au Foreign Office, les têtes demeuraient plus
froides. Le 29 août, à deux heures du matin, Halifax, après avoir médité sur la
réponse allemande et le récit de l'entretien de Henderson avec Hitler,
télégraphia à son ambassadeur que toute considération serait donnée à la note
allemande, mais qu'il était « bien entendu déraisonnable de penser que nous
pourrions faire en sorte qu'un représentant polonais arrive aujourd'hui. Le
gouvernement allemand ne doit pas s'y attendre (53). » Les diplomates et les
fonctionnaires du Foreign Office travaillaient désormais frénétiquement
vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et Henderson put remettre ce message à la
Wilhelmstrasse à quatre heures du matin.
Il devait remettre quatre autres messages de Londres au cours de
la journée du 30 août. L'un était une note personnelle de Chamberlain à Hitler
pour aviser celui-ci qu'on examinait la réponse allemande « de toute urgence »
et qu'on lui répondrait plus tard dans l'après-midi. Entre-temps, le Premier
Ministre demanda d'une façon pressante au gouvernement allemand, comme,
disait-il, il l'avait demandé au gouvernement polonais, d'éviter tout incident
de frontière.
Par ailleurs, il « accueillait avec satisfaction le témoignage
de ce désir d'une entente anglo-allemande (54) » qui ressortait des échanges de
vues en cours. Le second message émanait de Halifax et était rédigé en termes
similaires. Un troisième, qui provenait du secrétaire au Foreign Office,
traitait des rapports sur les sabotages allemands en Pologne et demandait au
Reich de s'abstenir de toute activité de ce genre. Le quatrième message de
Halifax, envoyé à dix-huit heures cinquante, reflétait un raidissement tant au
Foreign Office que de la part de l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Berlin.
Après réflexion, Henderson avait en effet envoyé plus tôt dans
la journée un télégramme à Londres :
Si je recommande toujours que le gouvernement polonais «
avale » cet effort de la onzième heure afin d'établir un contact direct avec
Hitler, ne fût-ce même que pour convaincre le monde qu'il était prêt à faire de
son côté un sacrifice pour le maintien de la paix, la réponse allemande ne
permet qu'une conclusion : Herr Hitler est bien décidé à parvenir à ses fins,
par des moyens prétendus « pacifiques et loyaux » s'il le peut, et, s'il ne le
peut pas, par le recours à la violence (55).
A ce stade, Henderson lui-même ne se sentait plus aucun goût
pour un nouveau Munich. Les Polonais n'en avaient jamais envisagé un — en ce
qui les concernait tout au moins. Ce 30 août, à dix heures du matin,
l'ambassadeur de Grande-Bretagne avait télégraphié à Halifax sa conviction «
qu'il serait impossible de persuader le gouvernement polonais d'envoyer
immédiatement à Berlin M. Beck ou n'importe quel autre représentant pour
discuter d'un arrangement sur la base qu'Hitler avait proposée. Certainement,
ils préféreraient se battre et périr plutôt que de se soumettre à une
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