Le Troisième Reich, T1
prêt... à un échange de vues direct avec le gouvernement allemand
». De plus, il l'avait assuré de vive voix qu'il donnait ordre à M. Lipski de
solliciter un entretien avec Ribbentrop, afin d'annoncer à celui-ci que « la
Pologne avait accepté les propositions britanniques ». Lorsque Kennard demanda
à Beck ce que ferait Lipski si Ribbentrop lui remettait les propositions
allemandes, le ministre des Affaires étrangères polonais répondit que son
ambassadeur à Berlin n'était pas autorisé à les recevoir, « car, à la lumière
des expériences passées, elles pourraient fort bien s'accompagner d'une sorte
d'ultimatum ».
L'important, dit Beck, était de rétablir le contact, « ce qui
permettrait de discuter en détail où, avec qui, et sur quelles bases pourraient
s'ouvrir les négociations ». A la lumière de l' « expérience passée » que
mentionna ce ministre ex-pro-nazi, cette opinion n'offrait rien de
déraisonnable. Beck ajouta, poursuivait le télégramme de Kennard, que, s' « il
était invité à se rendre à Berlin, naturellement il n'irait pas, car il n'avait
pas l'intention de subir le traitement qu'avait reçu le président Hacha (70) ».
En fait, Beck ne transmit pas exactement ces instructions à
Lipski. Au lieu de dire que la Pologne « acceptait » les propositions
britanniques, il enjoignit à Lipski de déclarer aux Allemands que la Pologne «
considérait favorablement » les suggestions britanniques et donnerait sa «
réponse officielle dans quelques heures au plus tard ».
Les instructions de Beck à Lipski ne s'arrêtèrent pas là et les
Allemands qui possédaient le code polonais le savaient fort bien.
Pour une raison très simple qui apparaîtra bientôt, les
Allemands ne tenaient pas à recevoir l'ambassadeur de Pologne à Berlin. Il
était trop tard. A treize heures, quelques minutes après avoir reçu par
télégramme les instructions de Varsovie, Lipski sollicita un entretien avec
Ribbentrop dans le but de présenter une communication de son gouvernement. Au
bout de deux heures de transes, il reçut de Weizsaecker un coup de téléphone
lui demandant, au nom du ministre des Affaires étrangères allemand, s'il venait
en qualité de plénipotentiaire spécial ou en « une autre qualité ».
« Je répondis, déclara plus tard Lipski dans son rapport
définitif (71), que je sollicitais un entretien en qualité d'ambassadeur, pour
présenter une déclaration de mon gouvernement. »
Une autre longue attente s'ensuivit. A dix-sept heures, Attolico
vint trouver Ribbentrop pour lui communiquer « l'urgent désir du Duce » que le
Führer reçût Lipski, « afin d'établir, au moins de cette manière, le minimum de
contact permettant d'éviter une rupture définitive ». Le ministre des Affaires
étrangères allemand promit de « transmettre » au Führer les vœux du Duce (72).
Ce n'était pas la première visite que l'ambassadeur d'Italie
faisait à la Wilhelmstrasse en ce dernier jour d'août, pour essayer de sauver
la paix. A neuf heures du matin, Attolico avait averti Rome que la situation
était « désespérée » : « Si rien de nouveau ne survient, c'est la guerre dans quelques
heures. » A Rome, Mussolini essaya avec Ciano de susciter un fait nouveau.
Ciano commença par téléphoner à Halifax que Mussolini ne saurait intervenir
qu'à la condition de pouvoir apporter à Hitler un gage de taille : Dantzig. Le
secrétaire britannique au Foreign Office ne mordit pas à l'appât. Il répondit à
Ciano que, la première chose à faire, était d'établir le contact direct entre
Allemands et Polonais par l'intermédiaire de Lipski.
A onze heures trente, Attolico alla donc trouver Weizsaecker au
ministère des Affaires étrangères pour lui annoncer que Mussolini était en
liaison avec Londres, et qu'il avait suggéré de faire du retour de Dantzig le
premier pas dans la voie d'un règlement germano-polonais. Il ajouta que le Duce
avait besoin d'une « certaine marge de temps » pour mettre son plan de paix au
point. Dans l'intervalle, le gouvernement allemand ne pouvait-il pas recevoir
Lipski?
Lipski fut reçu par Ribbentrop à dix-huit heures quinze, plus de
cinq heures après avoir sollicité son entrevue. Celle-ci fut d'ailleurs de
courte durée. L'ambassadeur, malgré l'état de fatigue et d'épuisement nerveux
où il était parvenu, se comporta avec dignité. Il lut au ministre des Affaires
étrangères nazi la communication écrite dont il était porteur
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