Le Troisième Reich, T2
amèneraient l’Angleterre à traiter.
Ce renseignement éperonna l’arrogant ministre des Affaires
étrangères qui, de son train spécial, à Fuschl, envoya un télégramme « très
urgent, ultra-secret » à l’ambassade d’Allemagne à Madrid, tard dans la
soirée du même jour, 11 juillet. Il voulait que le duc fût empêché de se
rendre aux Bahamas et ramené en Espagne, de préférence par ses amis espagnols.
« Après leur retour en Espagne, disait Ribbentrop, le duc et sa femme
doivent être persuadés ou contraints de rester en territoire espagnol. »
Si nécessaire, l’Espagne pourrait « l’interner » en qualité d’officier
anglais et le traiter « en déserteur ».
Saisir l’occasion propice (conseillait encore Ribbentrop) pour
informer le duc que l’Allemagne veut la paix avec le peuple anglais, que la
clique de Churchill se met en travers et que ce serait une bonne chose si le
duc voulait se prêter à d’autres négociations. L’Allemagne est résolue à forcer
l’Angleterre à faire la paix par tous les moyens en son pouvoir, et, dans cette
éventualité, elle serait prête à accéder à tout désir exprimé par le duc, spécialement
en vue de l’accession au trône d’Angleterre du duc et de la duchesse. Si le duc
avait d’autres projets, tout en restant décidé à coopérer à l’établissement de
bonnes relations entre l’Allemagne et l’Angleterre, nous serions nous aussi
prêts à lui assurer, à lui et à sa femme, des subsides qui lui permettraient… de
mener la vie qui convient à un roi [90] .
Le fastueux ministre nazi, à qui son expérience d’ambassadeur d’Allemagne
à Londres avait peu appris sur les Anglais, ajoutait tenir de bonne source que
le « Service secret britannique » était décidé « à en finir »
avec le duc sitôt qu’il serait aux Bahamas.
Le lendemain, 12 juillet, l’ambassadeur allemand à Madrid
vit Ramofi Serrano Suner, ministre espagnol de l’Intérieur et beau-frère de
Franco, qui promit de faire entrer le généralissime dans le complot et d’exécuter
le plan suivant. Le gouvernement espagnol enverrait à Lisbonne un vieil ami du
duc, Miguel Primo de Rivera, chef de la Phalange de Madrid et fils de l’ancien
dictateur espagnol. Rivera inviterait le duc à une chasse en Espagne, où il
pourrait alors s’entretenir avec le gouvernement des relations anglo-espagnoles.
Suner aviserait le duc du complot du Service secret britannique contre sa vie.
Le ministre (poursuivait l’ambassadeur allemand) inviterait
alors le duc et la duchesse à accepter l’hospitalité espagnole et peut-être
aussi une aide financière. On pourrait s’opposer au départ du duc d’une autre
façon. Dans tout ce plan, nous restons complètement dans l’ombre.
Rivera, d’après les papiers allemands, revint le 16 juillet
de Lisbonne à Madrid, après sa première visite aux Windsor, et apporta un
message au ministre des Affaires étrangères espagnol, qui le transmit à l’ambassadeur
allemand lequel, à son tour, l’envoya immédiatement à Berlin. Churchill, disait
le message, a nommé le duc gouverneur des Bahamas « par une lettre froide
et catégorique » et lui a donné l’ordre de rejoindre son poste tout de
suite. En cas de refus, « Churchill a menacé Windsor de la cour martiale ».
Le gouvernement espagnol acceptait, ajoutait la dépêche, « de conseiller
instamment au duc, une fois de plus, de ne pas accepter le poste ».
Rivera revint d’une seconde visite à Lisbonne le 22 juillet.
Le lendemain, l’ambassadeur allemand à Madrid rendit compte de ses observations
dans un télégramme « des plus urgents et ultrasecret » adressé à
Ribbentrop.
Il a eu deux longues conversations avec le duc de Windsor ;
la duchesse assistait à la dernière. Le duc s’exprima très librement… Politiquement,
il était de plus en plus éloigné du roi et du gouvernement anglais actuel. Le
duc et la duchesse craignent moins le roi, qui est vraiment bête, que l’astucieuse
reine, qui a intrigué adroitement contre le duc et particulièrement contre la
duchesse.
Le duc envisage de faire une déclaration publique… désavouant
l’actuelle politique anglaise et rompant avec son frère… Le duc et la duchesse
ont dit qu’ils désiraient grandement revenir en Espagne.
Pour favoriser ces projets, l’ambassadeur avait combiné avec
Suner, ajoutait le télégramme, d’envoyer un autre émissaire espagnol au
Portugal
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