Le Troisième Reich, T2
comme siège de votre quartier général… et je vous autorise à établir de
petits Einsatzgruppen dans d’autres parties de la Grande-Bretagne à
mesure que la nécessité s’en fera sentir.
En réalité, en août déjà, Heydrich avait organisé six Einsatz-kommandos pour l’Angleterre qui devaient opérer à partir de quartiers généraux à Londres,
Bristol, Birmingham, Liverpool, Manchester et Edimbourg, ou à Glasgow si le
pont du Firth of Forth avait sauté. Ils devaient répandre la terreur ; pour
commencer, ils devaient arrêter tous ceux qui figuraient sur la « Liste
Spéciale de Recherches G. B. (Grande-Bretagne) », dressée hâtivement
en mai par Walter Schellenberg, un autre des brillants jeunes licenciés d’université
d’Himmler, alors chef du IVe Amt (Bureau) – contre-espionnage – du R. S. H. A. Du
moins Schellenberg le prétendit-il plus tard, bien qu’à l’époque il fût surtout
occupé à Lisbonne, où il préparait le « kidnapping » du duc de
Windsor.
La « Liste Spéciale de Recherches G. B. » ( die
Sonderfahn-dungsliste , G. B.) compte parmi les documents les plus amusants
trouvés dans les papiers d’Himmler, bien que, naturellement, elle n’eût jamais
cette prétention. Elle contient les noms de quelque 2 300 notables de
Grande-Bretagne, pas tous Anglais, dont l’arrestation immédiate paraissait
essentielle. Churchill y figure, bien sûr, avec les membres du cabinet, d’autres
politiciens notoires de tous les partis, les éditeurs, directeurs de journaux
et reporters connus parmi lesquels deux anciens correspondants du Times à Berlin, Norman Ebbutt et Douglas Reed, dont les dépêches avaient déplu aux
Nazis.
Les écrivains britanniques font l’objet d’une attention spéciale.
Le nom de Shaw est évidemment absent, mais H. G. Wells s’y trouve en compagnie
d’écrivains tels que Virginia Woolf, E. M. Forster, Aldous Huxley, J. B. Priestley,
Stephen Spender, C. P. Snow, Noël Coward, Rebecca West, Sir Philip Gibbs et
Norman Angell. Les savants n’étaient pas non plus oubliés. Parmi eux : Gilbert
Murray, Bertrand Russell, Harold Laski, Beatrice Webb et J. B. S. Haldane.
La Gestapo avait également l’intention de profiter de son séjour
en Angleterre pour ramasser les émigrés étrangers et allemands. Paderewski, Freud [88] et Chaim Weizmann étaient sur la liste, avec le président Benès et Jan Masaryk,
ministre des Affaires étrangères du gouvernement tchécoslovaque en exil.
Parmi les réfugiés allemands on trouvait deux anciens amis
personnels d’Hitler qui s’étaient tournés contre lui : Hermann Rauschning,
ex-président du Sénat de Dantzig, et Putzi Hanfstaengl. Bien des noms anglais
étaient si mal orthographiés qu’ils en étaient presque méconnaissables ; quelquefois,
des détails bizarres les complétaient : Lady Bonham Carter, qui était
inscrite sous le nom de « Lady Carter-Bonham, née Violet Asquith », était
présentée comme une « lady politicienne partisan de l’Encerclement du
Reich ». Après chaque nom était spécifié le bureau du R. S. H. A. qui
devait s’emparer de cette personne. Churchill devait être remis à l’Amt VI – service
secret étranger – mais le plus grand nombre devait être remis à l’Amt IV – la
Gestapo [89] .
Ce Livre Noir nazi constitue en réalité un supplément à un
manuel prétendument ultra-secret appelé Informationsheft , dont
Schellenberg se dit l’auteur, dans le dessein, semble-t-il, d’aider les
conquérants à piller l’Angleterre et à détruire les institutions
anti-allemandes qui s’y trouvaient. Il est encore plus amusant que la Liste des
Recherches. Parmi les institutions dangereuses, à côté des loges maçonniques et
des organisations juives qui méritent une « attention spéciale », y
figurent les « écoles publiques » (en Angleterre : écoles
privées), l’Église d’Angleterre, présentée comme « un puissant outil de la
politique impériale britannique » et… les boy-scouts, qui, eux, constituaient
« une excellente source d’information pour l’Intelligence Service. »
Leur chef et fondateur révéré, Lord Baden-Powell, devait être immédiatement
arrêté.
Si l’invasion avait été tentée, les Allemands n’auraient pas été
accueillis gentiment par les Anglais. Churchill reconnut plus tard qu’il s’était
souvent demandé ce qui arriverait, mais qu’il était sûr d’une chose :
Le massacre eût été
Weitere Kostenlose Bücher