Le Troisième Reich, T2
agressions, il ne faisait
assez confiance à son associé et complice n° 1 pour l’initier à ses
secrets avant la onzième heure.
Cette lettre constitue le document le plus authentique et le
plus révélateur que nous possédions sur les raisons qui poussèrent le Führer à prendre sa funeste décision d’attaquer la Russie – énigme
pour le monde et condamnation à mort du Troisième Reich. Bien
entendu, nous y retrouvons les mensonges et faux-fuyants habituels qu’Hitler
essayait de faire avaler à ses amis autant qu’à ses ennemis, mais entre les
lignes émergent sa conception fondamentale et son estimation, erronée certes, mais
sincère, de la situation mondiale au début de l’été 1941.
Duce,
Je vous adresse cette lettre à l’heure où, après des mois
de délibérations tourmentées et d’attente exaspérante, je viens de prendre l’une
des décisions les plus graves de mon existence.
Quelle est aujourd’hui la situation ? L’Angleterre a
perdu la guerre, et, telle une noyée, elle s’accroche à tous les brins d’herbe.
A vrai dire, ses espoirs ne sont pas dépourvus d’une
certaine logique… La chute de la France… a incité les bellicistes britanniques
à tourner les yeux vers une autre partie du monde d’où ils essaient de
déclencher une nouvelle guerre : la Russie. Ces deux pays, la
Grande-Bretagne et l’Union Soviétique, s’intéressent l’un et l’autre à une
Europe… prostrée par une longue guerre. Derrière eux… les États-Unis manœuvrent
l’aiguillon…
Hitler explique ensuite que le rassemblement d’armées
soviétiques à la frontière allemande l’empêche de disposer à volonté de forces
aériennes permettant l’assaut massif qui mettra l’Angleterre knock-out :
Toutes les forces militaires dont dispose l’U. R. S. S. sont
à nos portes… Si les circonstances m’amenaient à devoir lancer la Luftwaffe
contre l’Angleterre, il est à craindre que la Russie n’en profite pour exercer
contre moi un chantage auquel, du fait de mon infériorité aérienne, je devrais
céder en silence… Les espoirs que fonde l’Angleterre sur l’éventuel partenaire
russe auraient alors leur raison d’être, et la Grande-Bretagne se montrerait d’autant
moins disposée à rechercher la paix. L’évidence des préparatifs militaires de l’U.
R. S. S. ne peut qu’attiser ces espoirs. Ajoutons à cela l’aide massive qu’elle
attend de l’Amérique en 1942…
Après m’être longtemps mis le cerveau à la torture, j’ai
résolu de trancher le nœud coulant avant qu’il ne se resserre… Ma vue d’ensemble
sur la situation est la suivante :
1. La France est, comme toujours, sujette à caution.
2. L’Afrique du Nord , dans la mesure où vos colonies
sont en jeu, Duce, ne court probablement pas de danger avant l’automne.
3 . L’Espagne est irrésolue et, je le crains, ne
prendra parti qu’à l’heure où penchera formellement la balance…
4. L’Egypte ? L’attaquer avant l’automne est
hors de question.
5. L’Amérique ? Peu importe son entrée en
guerre ou non, d’autant plus qu’elle aide déjà l’Angleterre de toute sa
puissance matérielle mobilisable.
6. L’Angleterre est néanmoins en mauvaise posture. Son
ravitaillement en vivres et en matières premières essentielles devient de plus
en plus ardu. La trempe martiale qui permet aux nations de faire la guerre ne
repose après tout que sur l’espoir ! Celui de l’Angleterre s’appelle
Russie et Amérique.
Nous n’avons aucune chance d’éliminer l’Amérique, mais il
est en notre pouvoir de supprimer la Russie. Sa disparition en tant que grande
puissance apportera par ailleurs un immense soulagement au Japon, dont la
participation éventuelle au conflit impliquera pour les États-Unis une menace
extrêmement sérieuse. Pour toutes ces raisons, Duce, j’ai résolu de mettre un
terme au jeu hypocrite du Kremlin.
En Russie, déclare ensuite Hitler, l’Allemagne n’aura pas besoin
de l’aide italienne (le dictateur n’accordait à personne le droit de partager
la gloire de sa prochaine conquête !). Cependant, Rome peut nous apporter
un appui appréciable par l’affermissement de sa position en Afrique et en se
tenant prête à envahir la France au cas où celle-ci violerait le traité d’armistice.
Quel appât tentant pour le Duce en mal d’acquisitions territoriales !
Quant à la guerre aérienne contre l’Angleterre, poursuit la
lettre, nous
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