Le Troisième Reich, T2
nouvelle
déclaration susceptible de lui enlever ses derniers doutes (9). » Le
lendemain 19 septembre, Ribbentrop télégraphia à l’ambassadeur qu’il l’autorisait
à « dire à Staline que les accords que j’ai passés à Moscou seront, naturellement,
respectés, et qu’ils sont considérés par nous comme la base fondamentale des
nouvelles relations amicales entre l’Allemagne et l’Union Soviétique (10) ».
Néanmoins, la friction entre les deux partenaires mal assortis
persistait. Le 17 septembre, un désaccord s’éleva sur le texte d’un communiqué
commun destiné à « justifier » la destruction de la Pologne. Staline
s’opposait à la version allemande, parce qu’elle « présentait les faits
trop franchement ». Sur quoi, il rédigea sa propre version, un chef-d’œuvre
de duplicité, et força les Allemands à l’accepter. Il déclarait que le but
commun de l’Allemagne et de la Russie était « de restaurer en Pologne la
paix et l’ordre détruits par la désintégration de l’État polonais, et d’aider
le peuple polonais à établir de nouvelles conditions pour sa vie politique ».
Pour le cynisme, Hitler avait trouvé son égal en Staline.
Au début, les deux dictateurs semblent avoir envisagé de fonder
un État satellite polonais dans le genre du grand-duché de Varsovie de Napoléon,
en vue d’apaiser l’opinion mondiale. Mais, le 19 septembre, Molotov révéla
que les Bolcheviks avaient d’autres idées. Après des protestations acerbes
adressées à Schulenburg sous prétexte que les généraux allemands ne tenaient
pas compte du pacte de Moscou en essayant de s’emparer de territoires attribués
à la Russie, il en vint au point capital.
Molotov me fit comprendre (télégraphia Schulenburg à Berlin)
que la tendance initiale du gouvernement soviétique, et de Staline
personnellement, à autoriser l’existence d’une Pologne amputée avait cédé la
place au projet d’un partage de la Pologne suivant la ligne
Pissa-Narew-Vistule-San. Le gouvernement soviétique désire commencer dès à
présent les négociations à ce sujet (11).
Ainsi l’initiative de morceler complètement la Pologne, de
dénier au peuple polonais toute existence propre, venait des Russes. Mais les
Allemands n’avaient pas besoin d’être influencés pour accepter. Le 23 septembre,
Ribbentrop télégraphia à Schulenburg, le chargeant de dire à Molotov que « l’idée
russe d’une frontière le long de la ligne bien connue des quatre rivières
coïncide avec les vues du Reich ». Il proposait de revenir à Moscou pour
mettre au point les détails de cette affaire en même temps que « la
structure définitive de la zone polonaise (12) ».
Staline prit alors personnellement la direction des négociations,
et ses alliés allemands apprirent, comme ses alliés anglais et américains
devaient l’apprendre plus tard, quel marchandeur coriace, cynique, opportuniste
il était. Le dictateur soviétique convoqua Schulenburg au Kremlin à vingt
heures, le 25 septembre, et le message de l’ambassadeur, plus tard le même
soir, avertit Berlin de certaines réalités sévères, et de certaines
perspectives peu agréables.
Staline dit… qu’il considérait comme une faute de laisser
subsister un moignon de Pologne indépendante. Il propose qu’à partir de la
ligne de démarcation toute la province de Varsovie qui s’étend jusqu’au Bug
soit ajoutée à notre part. En retour, nous renoncerions à nos prétentions sur
la Lithuanie.
Staline… ajouta que, si nous consentions, l’Union
Soviétique prendrait immédiatement en main la solution du problème des pays
baltes, en accord avec le protocole (secret) du 23 août ; il comptait
dans cette affaire sur l’appui total du gouvernement allemand. Staline désigna
expressément l’Esthonie, la Lettonie, la Lithuanie, mais ne mentionna pas la
Finlande (13).
C’était un subtil et dur marché. Staline offrait d’échanger deux
provinces polonaises, que les Allemands avaient déjà prises, contre les États
baltes. Il prenait avantage du grand service qu’il avait rendu à Hitler – en
lui permettant l’attaque de la Pologne – pour gagner tout ce qu’il pouvait tant
que l’occasion serait bonne. Bien plus, il proposait aux Allemands d’annexer la
masse du peuple polonais.
Étant Russe, il savait bien ce que des siècles d’histoire
avaient enseigné : les Polonais ne se soumettraient jamais dans le calme à
la
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