Le Troisième Reich, T2
perte de leur indépendance. Qu’ils donnent la migraine aux Allemands, pas
aux Russes ! Dans l’intervalle, il aurait récupéré les États baltes
enlevés à la Russie après la première guerre mondiale et dont la position
géographique offrait à l’Union Soviétique une solide protection contre une
attaque-surprise de son allié allemand.
Le 28 septembre, à dix-huit heures, Ribbentrop débarqua à
Moscou pour la seconde fois. Avant de se rendre au Kremlin, il eut le temps de
lire deux télégrammes de Berlin, qui le prévenaient des intentions russes. Ces
messages, expédiés par le ministre allemand à Tallinn, rendaient compte d’une
information du gouvernement esthonien : l’Union Soviétique avait demandé,
« sous la menace formelle d’une attaque imminente », des bases
aériennes en Esthonie (14).
Plus tard, ce même soir, après une longue conférence avec
Staline et Molotov, Ribbentrop télégraphia à Hitler que « cette nuit même »
un pacte allait être conclu, qui installerait deux divisions de l’Armée Rouge
et une brigade de forces aériennes « sur le territoire esthonien sans, cependant,
abolir le système de gouvernement esthonien actuel ». Le Führer, qui n’était pas précisément un novice dans ce genre d’opération, savait
combien les jours de l’Esthonie étaient comptés. Le lendemain même, Ribbentrop
était informé qu’Hitler avait ordonné l’évacuation des 86 000 Volksdeutsche (Allemands de souche) d’Esthonie
et de Lettonie (15).
Staline présentait sa facture, et Hitler, au moins pour le
présent, devait la payer. Il abandonnait aussitôt non seulement l’Esthonie mais
aussi la Lettonie qui toutes deux, il l’avait reconnu dans le pacte
nazi-soviétique, appartenaient à la zone d’intérêt des Soviets. Avant la fin de
la journée, il avait abandonné également la Lithuanie, à la frontière nord-est
de l’Allemagne, pays qui, selon les clauses secrètes du pacte de Moscou, appartenait
pourtant à la zone du Reich.
Staline avait présenté cette alternative aux Allemands, au cours
de son entretien avec Ribbentrop qui, commencé le 27 septembre à
vingt-deux heures, avait duré jusqu’à une heure. C’était, comme il l’avait
suggéré le 25 à Schulenburg : ou
bien accepter la ligne de démarcation originelle en Pologne le long des fleuves
Pissa, Narew, Vistule et San, ce qui laissait la Lithuanie à l’Allemagne ;
ou bien rendre la Lithuanie à la Russie en échange de territoires polonais plus
étendus (la province de Lublin et le pays à l’est de Varsovie), ce qui
donnerait aux Allemands presque toute la population polonaise. Staline poussait
fortement à la seconde solution, et Ribbentrop, dans un long télégramme
transmis à quatre heures, le 28 septembre, en instruisit Hitler, qui
accepta.
La redistribution de l’Europe orientale allait obliger les
compères à dresser des cartes compliquées. Dans l’après-midi du 28 septembre,
après trois heures et demie encore de négociations suivies d’un banquet
officiel au Kremlin, Staline et Molotov s’excusèrent, car ils devaient conférer
avec une délégation esthonienne qu’ils avaient convoquée à Moscou. Ribbentrop
se précipita à l’Opéra pour entendre un acte du Lac des Cygnes et
retourna au Kremlin à minuit pour d’autres consultations au sujet des cartes et
de sujets annexes. A cinq heures, Molotov et Ribbentrop apposaient leurs
signatures sur un nouveau pacte appelé officiellement Traité des Frontières et
d’Entente germano-soviétiques. Staline, une fois de plus, rayonnait, selon un
officiel allemand, « d’une satisfaction évidente [16] ».
Il pouvait s’estimer comblé (17).
Le traité, qui fut rendu public, fixait la limite des « intérêts
nationaux respectifs » des deux pays dans « l’ancien État polonais »,
stipulait qu’à l’intérieur des territoires annexés ils rétabliraient « paix
et ordre » et « assurait aux habitants une vie paisible tout en
respectant leur caractère national ».
Mais, comme dans le précédent marché nazi-soviétique, il y avait
des « protocoles secrets » – trois, dont deux contenaient l’essence
de l’accord. L’un ajoutait la Lithuanie à la « zone d’influence »
soviétique, cédant en compensation les provinces de Lublin et de Varsovie est
aux Allemands. Le second, très bref, allait droit au fait.
Les deux parties ne toléreront sur leurs territoires aucune
agitation
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