Le Troisième Reich, T2
militaire soviétique immédiate ». Quant au
prétexte russe concernant le blâme que l’Allemagne pourrait encourir, « c’était
hors de question… contraire aux véritables intentions allemandes… en
contradiction avec les arrangements passés à Moscou et finalement… ferait
apparaître les deux États en ennemis devant le monde entier ». Il
terminait en demandant au gouvernement soviétique de fixer « le jour et l’heure »
de son attaque contre la Pologne (6).
Ce fut fait le lendemain soir. Deux dépêches de Schulenburg, retrouvées
parmi les papiers allemands saisis, expliquent comment ce fut fait et donnent
une image révélatrice de la duplicité du Kremlin.
J’ai vu Molotov à dix-huit heures (télégraphia Schulenburg
le 16 septembre). Il m’a déclaré que l’intervention militaire de l’Union
Soviétique était imminente – peut-être même pour demain ou après-demain. Staline,
en ce moment même, conférait avec les chefs militaires…
Molotov a ajouté que… le gouvernement soviétique avait l’intention
de justifier son action comme suit : l’État polonais, désintégré, a cessé
d’exister ; par conséquent, tous les traités conclus avec la Pologne sont
caducs ; une troisième puissance pourrait essayer de mettre à profit le
chaos qui a surgi ; le gouvernement soviétique se considère dans l’obligation
d’intervenir pour protéger ses frères ukrainiens et blancs-russiens et donner à
ces populations infortunées la possibilité de travailler en paix.
Puisque, de toute évidence, cette « troisième puissance »
ne pouvait être que l’Allemagne, Schulenburg souleva des objections.
Molotov concéda que l’argument avancé par le gouvernement
soviétique contenait une note choquante pour les sentiments allemands. Il nous
demanda, cependant, eu égard à la situation difficile du gouvernement
soviétique, de ne pas trébucher sur ce brin de paille. Malheureusement, le
gouvernement soviétique ne voyait pas la possibilité d’invoquer un autre motif,
puisque l’Union Soviétique n’avait pas jusqu’alors soulevé la question de ses
minorités en Pologne, et qu’il devait justifier d’une manière ou de l’autre, vis-à-vis
de l’étranger, sa présente intervention (7).
A dix-sept heures trente, le 17 septembre, Schulenburg
expédia un autre message « des plus urgents » et « ultra-secret »
à Berlin.
Staline m’a reçu à deux heures… et a déclaré que l’Armée
Rouge franchirait la frontière polonaise à six heures… Les avions soviétiques
vont commencer aujourd’hui le bombardement de la région à l’est de Lwow (Lemberg).
Quand Schulenburg fit des objections sur trois points du
communiqué soviétique, le dictateur russe, « avec un extrême empressement »,
modifia le texte (8).
Ainsi, sous le méprisable prétexte que la Pologne avait cessé d’exister,
le pacte de non-agression polono-soviétique était considéré comme ayant, lui
aussi, cessé d’exister. Se trouvant donc dans l’obligation de protéger ses
propres intérêts et ceux des minorités d’Ukraine et de Russie Blanche, l’Union
Soviétique, au début de la matinée du 17 septembre, piétinait une Pologne
accablée.
Pour ajouter l’outrage à la blessure, l’ambassadeur polonais à
Moscou fut informé que la Russie garderait une stricte neutralité dans le
conflit polonais ! Le lendemain, 18 septembre, les troupes
soviétiques firent leur jonction avec les Allemands à Brest-Litovsk, la ville
où, exactement vingt et un ans plus tôt, un gouvernement bolchevik nouveau-né, reniant
les engagements de son pays envers les Alliés occidentaux, avait reçu, et
accepté, de l’armée allemande les conditions très dures d’une paix séparée.
Bien qu’ils fussent à présent complices de l’Allemagne nazie
pour effacer l’ancienne Pologne de la carte, les Russes se méfièrent tout de
suite de leurs nouveaux alliés. Au cours d’une rencontre avec l’ambassadeur
allemand, à la veille de l’offensive soviétique, Staline avait exprimé des
doutes, et Schulenburg le notifia dûment à Berlin : le Haut-Commandement
allemand s’en tiendrait-il aux accords de Moscou et se retirerait-il sur la
ligne fixée par ceux-ci ?
L’ambassadeur tenta de le rassurer mais apparemment sans grand
succès. « Étant donné la méfiance bien connue de Staline, télégraphia
Schulenburg à Berlin, je serais heureux d’être autorisé à faire une
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