Le Troisième Reich, T2
de
Varsovie et plus à l’ouest, près de Poznan, tenaient vaillamment, mais ils
étaient condamnés. Le gouvernement polonais, ou ce qui en restait, après avoir
été bombardé et mitraillé sans arrêt par la Luftwaffe, parvint le 15 à un
village de la frontière roumaine. Pour lui et pour la fière nation, tout était
perdu, sauf le droit de mourir dans les rangs des unités qui, avec une force d’âme
incroyable, résistaient encore.
A présent, l’heure était venue pour les Russes de pénétrer dans
le pays abattu et de s’emparer d’une part du butin.
LA RUSSIE ENVAHIT LA POLOGNE
A Moscou, le Kremlin, comme tous les autres gouvernements, avait
été surpris de la rapidité avec laquelle les armées allemandes avaient écrasé
la Pologne. Le 5 septembre, Molotov, dans une réponse officielle à la
suggestion nazie que la Russie attaquât la Pologne par l’est, déclarait que
cela serait fait « en temps opportun », mais que « ce temps n’est
pas encore venu ». Il estimait qu’une « hâte excessive » pouvait
nuire à la « cause » des Soviets ; cependant, il insistait sur
le fait que les Allemands, même s’ils y arrivaient les premiers, devaient
scrupuleusement respecter la « ligne de démarcation » fixée d’un
commun accord dans les clauses secrètes du Pacte russo-allemand (1). La
méfiance des Russes à l’égard des Allemands était déjà manifeste. Et aussi l’impression
au Kremlin que la conquête de la Pologne par l’Allemagne pouvait demander un
temps assez considérable.
Mais peu après minuit, le 8 septembre, lorsqu’une division
blindée eut atteint les faubourgs de Varsovie, Ribbentrop envoya « d’urgence »
un message « ultra-secret » à Schulenburg, à Moscou : les
opérations en Pologne « avançaient plus vite que prévu » ; dans
ces circonstances, l’Allemagne aimerait connaître « les intentions
militaires du gouvernement soviétique (2) ». A seize heures dix, le
lendemain, Molotov avait répondu que la Russie agirait militairement « dans
les prochains jours ». Un peu plus tôt, le même jour, le commissaire aux
Affaires étrangères soviétique avait officiellement félicité les Allemands « pour
l’entrée des troupes allemandes à Varsovie (3) ».
Le 10 septembre, Molotov et l’ambassadeur
von der Schulenburg se trouvaient dans un bel embrouillamini. Après avoir
déclaré que le gouvernement soviétique avait été pris « complètement au
dépourvu par la rapidité inattendue des succès militaires allemands » et
que l’Union Soviétique était en conséquence dans « une situation difficile »,
le commissaire aux Affaires étrangères fit une allusion discrète au prétexte
que le Kremlin devrait invoquer pour sa propre agression contre la Pologne. Schulenburg
en avertit aussitôt Berlin, par télégramme « très urgent » et « ultrasecret ».
La chute imminente de la Pologne, affirmait Molotov, allait
placer l’Union Soviétique dans l’obligation de venir au secours des Ukrainiens
et des Blancs-Russiens « menacés » par l’Allemagne. Cet argument
était nécessaire pour expliquer aux masses l’intervention de l’Union Soviétique,
tout en évitant de lui donner l’apparence d’une agression.
De plus, Molotov se plaignait que la D. N. B.,
agence de presse officielle du Reich, eût cité une parole du général von
Brauchitsch disant que « l’action militaire n’était plus nécessaire sur là
frontière allemande orientale ». S’il en était ainsi, si la guerre était
finie, la Russie, disait Molotov, « ne pouvait pas
déclencher une nouvelle guerre ». Il était très mécontent de toute la
situation (4). Pour compliquer encore les choses, il convoqua Schulenburg au
Kremlin le 14 septembre et, après l’avoir informé que l’Armée Rouge
marcherait plus tôt que prévu, il demanda de savoir quand Varsovie tomberait. Car
les Russes, afin de justifier leur agression, devaient attendre la chute de la
capitale polonaise (5).
Le commissaire avait soulevé quelques questions embarrassantes. Quand
Varsovie tomberait-elle ? Comment les Allemands accepteraient-ils d’être
rendus responsables de l’intervention russe ? Le soir du 15 septembre,
Ribbentrop, dans un message « très urgent » et « ultra-secret »
à Molotov, répondait à ces questions. Varsovie, disait-il,
serait occupée « dans quelques jours ». L’Allemagne « serait
favorable à une opération
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