Le Troisième Reich, T2
(11) !
Après ce discours électrisant, les généraux se dispersèrent, sans
croire pour autant – ou du moins c’est ce qu’ils affirmèrent plus tard – au
succès de l’entreprise, mais décidés à exécuter les ordres de leur mieux.
La nuit du 15 décembre était très noire. Il gelait. Un
brouillard épais noyait les collines enneigées des Ardennes, tandis que les
forces allemandes se préparaient à lancer leur assaut sur un front de 105
kilomètres, entre Monschau, au sud d’Aix-la-Chapelle, et Echternach, au
nord-ouest de Trèves. La météo avait prédit plusieurs jours d’un temps
semblable ; on était donc sûr que l’aviation alliée resterait clouée au
sol et que les colonnes de ravitaillement allemandes n’auraient pas à subir le
martyre enduré en Normandie. Pendant cinq jours, Hitler eut de la chance :
le mauvais temps persistait, et les Allemands, prenant le Haut-Commandement
allié par surprise, marquèrent plusieurs trouées, à la suite de la pénétration
initiale, le matin du 16 décembre.
Quand un groupe blindé allemand atteignit Stavelot, dans la nuit
du 17 décembre, il ne se trouvait qu’à 12 kilomètres du Q. G. de la 1re
armée U. S., à Spa, et celui-ci dut être évacué à la hâte. Fait encore plus
important, les blindés allemands n’étaient qu’à 1 500 mètres d’un immense
entrepôt américain contenant 12 millions de litres d’essence. La capture de cet
entrepôt aurait permis aux divisions blindées allemandes – constamment
retardées dans leur avance par les difficultés d’approvisionnement en essence –
de progresser plus rapidement. La prétendue 150ebrigade blindée de
Skorzeny, dont les hommes étaient munis d’uniformes et d’équipement américains,
atteignit le point le plus avancé. Une quarantaine de jeeps réussirent à se
faufiler à travers le front qui se désagrégeait et quelques-unes atteignirent
même la Meuse [282] .
La résistance désespérée et hâtivement organisée par les
groupes dispersés de la 1re armée U. S. – après l’écrasement des quatre
divisions trop faibles des Ardennes – ralentit l’avance nazie. D’autres îlots
de résistance – situés respectivement à Monschau et Bastogne, sur les flancs
nord et sud de la percée – canalisèrent les assaillants de force dans un étroit
couloir. La défense de Bastogne par les Américains signa leur défaite.
Ce carrefour routier, clé de la défense des Ardennes et de la
Meuse, permettait non seulement de bloquer les grandes artères empruntées par
la Ve armée panzer de Manteuffel pour atteindre la Meuse à Dinant, mais aussi
de retenir sur place un nombre considérable des forces nazies désignées pour la
suite de l’offensive. Le matin du 18 décembre, les avant-gardes blindées
de Manteuffel n’étaient qu’à 22 kilomètres de la ville et les seuls Américains
qui s’y trouvaient – des officiers d’état-major de corps d’armée – se
préparaient à l’évacuer.
Néanmoins, le soir du 17, la 101e division aéroportée, reconstituée
à Reims, reçut l’ordre d’avancer à toute vitesse sur Bastogne, à 150 kilomètres
de là. En roulant jour et nuit, elle atteignit la ville en vingt-quatre heures,
juste avant l’ennemi. Les nazis avaient donc perdu cette course décisive. Ils
encerclèrent quand même Bastogne, mais ils avaient du mal à reprendre la ruée
vers la Meuse. De plus, ils étaient obligés de laisser derrière eux de solides
défenses pour contrôler le carrefour des routes et essayer de s’en rendre
maîtres.
Le 22 décembre, le général Heinrich von Luettwitz, commandant
le 47e corps blindé allemand, envoya un message écrit au général A. C. McAuliffe,
commandant la 101e aéroportée, le sommant de se rendre. Il reçut une réponse
lapidaire appelée à devenir célèbre : « Nuts [283] ! »
Le moment décisif de l’aventure tentée par Hitler vint la veille
de Noël. Le 23 décembre, un bataillon de reconnaissance de la 2e division
de panzers avait atteint les hauteurs, à 4 km 500 à l’est de la Meuse, à Dinant.
Il attendait des renforts et le ravitaillement en essence, avant de déferler
sur le fleuve. Mais il ne reçut jamais ni les uns, ni l’autre. La 2e division
blindée U. S. attaqua brusquement du nord. Déjà, plusieurs divisions de la IIIe
armée de Patton montaient du sud dans l’intention de délivrer Bastogne. « Le
soir du 24, écrivait plus tard Manteuffel, il devint évident que
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