Le Troisième Reich, T2
supérieur, il lança à l’attaque une
armée commandée par Heinrich Himmler en personne. Aucune des deux offensives ne
connut le succès, pas plus qu’un assaut spectaculaire sur Bastogne mené, le 3 janvier,
par deux corps de 9 divisions, qui livrèrent la bataille la plus sanglante de
la campagne des Ardennes. Le 5 janvier, les Allemands abandonnèrent l’espoir
de conquérir cette position-clé. Ils étaient maintenant en danger de se trouver
isolés par une contre-offensive américano-britannique venue du nord et
commencée le 3 janvier. Le 8, Model, dont les armées risquaient l’encerclement
à Houffalize, au nord-est de Bastogne, reçut enfin la permission de reculer.
Le 16, un mois jour pour jour après le début de l’offensive dans
laquelle Hitler avait jeté ses dernières réserves d’hommes et de munitions, les
Allemands se retrouvaient sur leur ligne de départ.
Ils avaient perdu environ 120 000 hommes – tués, blessés ou
disparus – 600 tanks et canons, 1 600 avions et 6 000 véhicules. Du
côté américain, les pertes étaient sévères aussi : 8 000 tués, 48 000
blessés, 21 000 prisonniers ou disparus, et 733 chars et canons anti-tanks
détruits [285] .
Mais les Américains pouvaient combler leurs pertes, ce qui n’était pas le cas
des Allemands, réduits à la dernière extrémité. Ils avaient lancé leur ultime
offensive d’envergure, dans la seconde guerre mondiale. Leur échec signifiait
non seulement la défaite à l’Ouest, mais condamnait également les armées
allemandes sur le front de l’Est, dégarni par la tentative d’Hitler.
Dans son long discours aux généraux de l’Ouest, trois jours
après Noël, Hitler avait affecté un bel optimisme au sujet du front russe où, depuis
le mois d’octobre, et bien qu’elles fussent en train de perdre les Balkans, les
armées allemandes tenaient fermement leurs positions sur la Vistule et en
Prusse-Orientale.
Malheureusement (dit Hitler), la trahison de nos chers alliés
nous contraint à nous retirer graduellement… Pourtant, en dépit de tout, nous
tenons bon, sur tout le front Est.
Mais pour combien de temps ? La veille de Noël, après l’investissement
de Budapest par les Russes, et de nouveau le matin du nouvel an, Guderian avait
plaidé en vain auprès d’Hitler pour obtenir des renforts en Hongrie et en
Pologne, où il prévoyait une offensive des Soviets au milieu de janvier.
Je démontrai (dit Guderian) que la Ruhr était déjà
paralysée par les attaques aériennes des Alliés… D’autre part, je dis que la
zone industrielle de la Haute-Silésie pouvait encore produire au maximum, que
le centre de l’industrie allemande était déjà ramené à l’Est et que la perte de
la Haute-Silésie signifierait la défaite à brève échéance. Rien n’y fit. Je fus
rabroué et passai un triste, un tragique soir de Noël, dans ce cadre très peu
chrétien.
Pourtant, Guderian retourna une troisième fois au Q. G. d’Hitler,
le 9 janvier. Il emmenait son chef des Renseignements, à l’Est, le général
Gehlen, qui, à l’aide de cartes et de graphiques tenta d’expliquer au Führer la
précarité de la position allemande, à la veille de la reprise des offensives
russes, imminentes dans le nord.
Hitler (dit Guderian) se mit dans une colère effroyable… taxa
d’idioties les cartes et les graphiques et m’ordonna d’enfermer leur auteur !
dans un asile d’aliénés. Alors, je perdis patience et protestai : « Si
vous envoyez le général Gehlen dans un asile, vous feriez bien de me réserver
le même sort. »
Lorsque Hitler affirma que le front Est « n’avait jamais
possédé de meilleures réserves », Guderian répliqua : « Le front
Est ressemble à un château de cartes. Si on l’enfonce sur un point, il s’écroulera
(12). »
La prédiction se réalisa. Le 12 janvier 1945, le groupe d’armées
de Koniev partit de sa tête de pont de Baranov, sur le cours supérieur de la
Vistule, au sud de Varsovie, en direction de la Silésie. Plus au nord, les
armées de Joukov traversèrent la Vistule, en amont et en aval de Varsovie, qui
tomba le 17 janvier. Encore plus au nord, deux armées russes occupèrent d’un
seul coup la moitié de la Prusse-Orientale et poussèrent jusqu’au golfe de
Dantzig.
Ce fut la principale offensive russe de la guerre. Staline avait
jeté 180 divisions, dont une étonnante quantité de blindés, en Pologne et en
Prusse-Orientale. Leur élan
Weitere Kostenlose Bücher