Le Troisième Reich, T2
[289] ».
C’était la dernière fois que l’astucieux docteur Gœbbels
réussissait à influencer le déroulement stratégique de la guerre avec son bluff
de propagande. Car il est vrai qu’Adolf Hitler avait songé à se retirer dans
les montagnes austro-bavaroises, région où il était né, où il avait passé la
plus grande partie de sa vie privée, région qu’il aimait et où il possédait le
seul asile qu’il pût considérer comme son foyer – dans l’Obersalzberg, au-dessus
de Berchtesgaden ; il était vrai également qu’il avait songé à y établir
un dernier bastion de résistance. Mais il avait hésité trop longtemps pour que
ce fût réalisable.
Le 16 avril, jour où les troupes américaines entrèrent à
Nuremberg, la ville des grands rassemblements du Parti nazi, les armées de
Joukov s’élancèrent depuis leurs têtes de pont de l’Oder, et, le 27 avril
dans l’après-midi, elles atteignirent les faubourgs de Berlin. Vienne était
déjà tombée le 13 avril. A seize heures quarante, l’après-midi du 25 avril,
des patrouilles de la 69e division d’infanterie U. S. rencontrèrent des
éléments avancés de la 58edivision russe, à Torgau, sur l’Elbe, à
110 kilomètres environ au sud de Berlin. L’Allemagne était coupée en deux
tronçons : le nord et le sud. Adolf Hitler
était encerclé à Berlin. Le Troisième Reich allait vivre ses derniers jours.
31 -
LE CRÉPUSCULE DES DIEUX
Hitler avait eu l’intention de quitter Berlin pour l’Obersalzberg
le 20 avril, jour de son cinquante-sixième anniversaire, afin d’y
installer le dernier bastion de défense du Troisième Reich, dans le repaire
légendaire de Barberousse. La plupart des officiels avaient déjà pris la route
du sud, dans des camions bourrés d’archives et de fonctionnaires affolés, décidés
à tout pour quitter la capitale condamnée. Le Führer lui-même avait envoyé
presque tous les membres de sa maison militaire à Berchtesgaden, dix jours
auparavant, pour préparer son chalet de montagne, le Berghof , en vue de
son arrivée.
Mais il ne devait jamais revoir sa chère retraite alpestre. La
fin approchait plus vite qu’il ne l’aurait cru. Les Américains et les Russes
étaient sur le point de faire leur jonction sur l’Elbe. Les Britanniques
étaient aux portes de Hambourg et de Brême et menaçaient de couper l’Allemagne
du Danemark occupé. En Italie, Bologne était tombée et les forces alliées, commandées
par Alexander, balayaient la vallée du Pô.
Les Russes, après la prise de Vienne, le 13 avril, remontaient
le Danube, et la IIIe armée U. S. descendait le même fleuve pour les rencontrer
dans la ville natale d’Hitler, en Autriche : Linz. Nuremberg, où, durant
la guerre, on avait édifié des stades et un grand auditorium pour faire de
cette ancienne cité la capitale du Parti nazi, Nuremberg était assiégée, et une
partie de la VIIe armée U. S. passait en trombe devant la ville pour atteindre
Munich, lieu de naissance du mouvement nazi. On entendait déjà à Berlin le
grondement de l’artillerie lourde russe.
Le comte Schwerin von Krosigk, le puéril ministre des Finances, boursier
de la Fondation Cecil Rhodes, qui avait fui Berlin pour le nord dès la première
allusion à l’avance bolchévique, nota dans son journal, le 23 avril :
« Durant toute la semaine, il n’y eut que des messagers de malheur. Notre
peuple semblait menacé des pires catastrophes (1). »
Le dernier voyage d’Hitler à Rastenburg, en Prusse-Orientale, datait
du 20 novembre. Mais, à l’approche des Russes, il s’était installé à
Berlin qu’il avait à peine vu depuis le début de la guerre contre l’U. R. S. S.
Le 10 décembre, il avait fait un bref séjour à son Q. G. de l’Ouest, à
Ziegenberg, près de Bad Nauheim, pour diriger la grande aventure des Ardennes. Après
son échec, il était retourné à Berlin le 16 janvier. Il devait y demeurer
jusqu’à la fin et c’est de son bunker souterrain, à cinquante pieds sous terre,
dominé par les vastes salles en ruine de la Chancellerie pilonnée par les
bombardements alliés, qu’Hitler dirigeait les mouvements de ses armées déjà
désagrégées.
Physiquement, il déclinait rapidement. Un jeune capitaine qui le
voyait pour la première fois, en février, le décrivit en ces termes :
Il dodelinait légèrement de la tête. Son bras gauche
pendait, inerte, et sa main tremblait beaucoup. Dans ses yeux brûlait
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