Le Troisième Reich, T2
d’autres
témoins, ce qui lui confère une indéniable importance dans la reconstitution de
ce dernier chapitre de l’histoire d’Hitler.
Tard dans la nuit, après son arrivée avec le général von Greim –
le 26 avril – les obus russes commencèrent à tomber sur la Chancellerie. Le
fracas sourd des explosions et des murs qui s’écroulaient augmentait encore la
tension nerveuse qui régnait à l’intérieur du bunker. Hitler prit l’aviatrice à
part.
« Mon Führer, pourquoi restez-vous ici ? lui
demanda-t-elle. Pourquoi privez-vous l’Allemagne de votre personne ?… Le
Führer doit vivre pour que l’Allemagne vive. Le peuple l’exige.
— Non, Hanna, répondit le Führer. Si je meurs, c’est
pour l’honneur de la patrie. En tant que soldat, je me dois d’obéir à mon ordre
de défendre Berlin jusqu’au bout… Ma chère enfant, poursuivit-il, ce n’était
pas ce que je voulais. Je croyais fermement que Berlin serait sauvé sur les
rives de l’Oder… Nul n’a été plus stupéfait que moi par l’échec de nos efforts.
Et quand l’encerclement de la ville a commencé… j’ai cru qu’en restant à mon
poste je donnerais l’exemple à toutes les armées de terre et qu’elles
viendraient au secours de la ville… Ma chère Hanna, je n’ai pas perdu l’espoir.
L’armée du général Wenck arrive du sud. Il faut qu’il repousse les Russes pour
sauver notre peuple. Alors nous reprendrons la lutte (18). »
C’était chez lui une humeur passagère : il espérait encore
l’aide du général Wenck. Mais, quelques moments plus tard, comme les
bombardements russes s’intensifiaient, il fut repris par le désespoir. Il
tendit à Hanna Reitsch deux fioles de poison : une pour elle et une pour
Greim.
« Hanna, dit-il, vous êtes de ceux qui mourront avec
moi… Je ne tiens pas à ce qu’aucun de nous tombe vivant aux mains des Russes, et
je ne veux même pas qu’ils retrouvent nos corps… Eva et moi nous ferons
incinérer. A vous de choisir une fin. »
Hanna porta la fiole de poison à Greim et ils décidèrent de s’en
servir « si la fin venait vraiment », mais, pour plus de sûreté, ils
feraient exploser une grenade tout près d’eux, aussitôt après.
Un jour et demi plus tard, le 28, Hitler avait retrouvé l’espoir,
ou plutôt ses illusions. Il communiqua avec Keitel par radio :
J’attends la délivrance de Berlin. Que fait l’armée
Heinrici ? Où est Wenck ? Que devient la IXe armée ? Quand
effectuera-t-elle sa jonction avec Wenck (19) ?
Reitsch décrit le commandant suprême, ce jour-là,
… arpentant la salle, tout en brandissant des cartes d’état-major,
toutes chiffonnées par ses mains en sueur, et préparant la campagne de Wenck
pour le bénéfice de tous ceux qui voulaient bien l’écouter.
Mais la « campagne » de Wenck, pas plus que l’ « attaque »
de Steiner, la semaine précédente, n’existait ailleurs que dans l’imagination
du Führer. L’armée de Wenck, comme la IXe, était déjà liquidée. Au nord de
Berlin, Heinrici effectuait, avec son armée, une retraite hâtive, pour se
rendre aux Alliés, plutôt qu’aux Russes.
Pendant toute la journée du 28 avril, le petit groupe
désespéré du bunker attendit des nouvelles des contre-attaques de ces trois
armées, surtout de celle de Wenck. Les éléments avancés des Russes n’étaient
plus maintenant qu’à quelques pâtés de maisons de la Chancellerie, sur laquelle
ils convergeaient lentement de l’est, du nord et de l’ouest par le Tiergarten. Ne
recevant aucune nouvelle de ses armées, Hitler se laissa influencer par Bormann,
qui lui parlait encore de trahison. A vingt heures, Bormann envoya un
radiogramme à Dœnitz.
Au lieu d’envoyer des troupes à notre secours, les chefs
responsables restent silencieux. Il semble que la trahison ait remplacé la
fidélité ! Nous restons ici. Déjà la Chancellerie est en ruine.
Plus tard, le même soir, Bormann envoya un autre message à Dœnitz :
Schœrner, Wenck et les autres doivent prouver leur fidélité
au Führer, en venant à son aide le plus tôt possible (20).
Bormann ne parlait plus que pour lui-même. Hitler était décidé à
mourir dans un jour ou deux, mais Bormann voulait vivre. Il se pouvait qu’il ne
succédât pas au Führer, mais du moins pourrait-il continuer à tirer les
ficelles dans la coulisse.
Enfin, dans la nuit, l’amiral Voss fit parvenir un message à Dœnitz,
l’informant que
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