Le Troisième Reich, T2
propagande.
En juin 1939, quand les nuages de la guerre s’amoncelèrent sur l’Europe,
Quisling, qui assistait à une assemblée de la Société nordique à Lubeck, saisit
l’occasion pour demander à Rosenberg plus qu’un support idéologique. D’après
les rapports confidentiels de ce dernier, produits à Nuremberg, Quisling
avertit Rosenberg du danger de voir l’Angleterre prendre le contrôle de la
Norvège en cas de guerre, et de tous les avantages qu’il y aurait pour l’Allemagne
à occuper le pays. Il demanda une aide substantielle pour son parti et sa
presse. Rosenberg, grand fabricant de mémorandums, en lança trois à Hitler ;
Gœring et Ribbentrop, mais les trois chefs semblent les avoir ignorés – personne
en Allemagne ne prenait « le philosophe officiel » très au sérieux. Rosenberg
put du moins organiser, au mois d’août, un cours d’entraînement de deux
semaines en Allemagne, pour vingt-cinq hommes faisant partie des rudes troupes
de choc de Quisling.
Pendant les premiers mois de la guerre, l’amiral Raeder – tout
au moins le déclarera-t-il à Nuremberg – n’eut aucun contact avec Rosenberg, qu’il
connaissait à peine, ni avec Quisling, dont il n’avait jamais entendu parler. Mais
immédiatement après l’attaque russe contre la Finlande, Raeder commença à
recevoir de son attaché naval à Oslo, le capitaine Richard Schreiber, des
rapports sur un débarquement allié imminent en Norvège. Il en informa Hitler le
8 décembre et lui conseilla catégoriquement : « il est essentiel
d’occuper la Norvège (5). »
Peu de temps après, Rosenberg envoya un mémorandum (non daté) à
l’amiral Raeder « au sujet de la visite du conseiller privé Quisling, Norvège ».
Le conspirateur norvégien était arrivé à Berlin, et Rosenberg pensa que Raeder
devait savoir qui il était et pourquoi il était là. Quisling, disait-il, avait
beaucoup de sympathisants parmi les officiers du chiffre de l’armée norvégienne
et, pour le prouver, il lui avait montré une lettre récente du colonel Konrad
Sundlo, le commandant de Narvik, qualifiant le Premier Ministre norvégien d’ « imbécile »
et l’un de ses principaux ministres de « vieil ivrogne » et déclarant
sa volonté de « risquer sa peau pour la renaissance nationale ». Par
la suite, le colonel Sundlo oublia de risquer sa vie pour défendre son pays
contre l’agression.
En fait, Rosenberg informait Raeder, Quisling avait un plan. Cela
dut tomber dans des oreilles sympathisantes à Berlin, car ce projet était copié
sur l’Anschluss. Un certain nombre d’hommes des troupes d’assaut de Quisling
seraient rapidement entraînés en Allemagne « par des nationaux-socialistes
expérimentés et endurcis, qui ont la pratique de telles opérations ». Les
élèves, une fois revenus en Norvège, s’empareraient des points stratégiques d’Oslo.
En même temps la marine et des contingents de l’armée
allemande feraient leur apparition dans une baie désignée d’avance, aux
environs d’Oslo, en réponse à un appel exprès du nouveau gouvernement norvégien.
C’était encore une fois toute la tactique de l’Anschluss, Quisling
jouant le rôle de Seyss-Inquart.
Quisling ne doute pas (ajoutait Rosenberg) qu’un tel coup… rencontrerait
l’approbation des sections de l’armée avec lesquelles il est maintenant en
rapport… Quant au roi, il croit qu’il accepterait le fait accompli .
Les estimations de Quisling sur le nombre de troupes
allemandes nécessaires à l’opération coïncident avec les estimations allemandes
(6).
L’amiral Raeder vit Quisling le 11 décembre ; la
rencontre avait été arrangée, grâce à Rosenberg, par un certain Viljam Hagelin,
homme d’affaires norvégien que ses occupations retenaient souvent en Allemagne
et qui était le chef de liaison de Quisling dans ce pays. Hagelin et Quisling
firent à Raeder des déclarations abondantes que l’amiral consigna
scrupuleusement pour ses archives confidentielles.
Quisling affirma… qu’un débarquement anglais est projeté
dans le voisinage de Stavanger, et Kristiansand est envisagé comme base pour
les Anglais. Le gouvernement norvégien actuel aussi bien que le parlement et
toute la politique étrangère sont sous le contrôle de Hambro (Carl Hambro, président
du Storting), grand ami de Hore-Belisha… Les dangers que ferait courir à l’Allemagne
une occupation britannique ont été dépeints
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