Le Troisième Reich, T2
Courageusement, elles avaient
essayé d’allonger leur front pour éviter aux Anglais et aux Français de se
replier au sud en combattant. Mais ce front plus long s’écroula rapidement, bien
que les Belges eussent lutté avec acharnement. De plus, Léopold III n’avait
pas été informé que, le 26 mai, Lord Gort avait reçu de Londres l’ordre de
se retirer à Dunkerque et de sauver ce qu’il pouvait du C. E. B. C’est un
aspect de la question, mais il y en a un autre. L’armée belge était placée sous
le Commandement suprême allié, et Léopold III conclut une paix séparée
sans le consulter.
Pour sa défense, on fait remarquer que le 27 mai à douze
heures trente il avait télégraphié à Gort que bientôt « il serait forcé de
capituler pour éviter l’effondrement ». Mais le commandant anglais, qui
était extrêmement occupé et sans cesse en déplacement, ne reçut pas le message.
Il affirma plus tard qu’il avait entendu parler de la capitulation pour la
première fois après vingt-trois heures, le 27 mai, et qu’il s’était
soudain trouvé en face d’une brèche de 35 kilomètres entre Ypres et la mer, par
laquelle les forces blindées ennemies pouvaient atteindre les plages (15). Au
général Weygand, supérieur militaire du roi, la nouvelle arriva par un
télégramme d’une liaison française au Q. G. belge un peu après dix-huit heures
et le frappa, dit-il plus tard, « comme la foudre. Il n’y avait eu aucun
avertissement (16) »…
Enfin, même comme commandant en chef des forces armées,
Léopold III, souverain d’une monarchie constitutionnelle démocratique, était
tenu de se ranger à l’avis de son gouvernement. Ni son rôle militaire ni
certainement celui de chef d’État ne lui donnaient pouvoir de capituler de sa
propre autorité. Cinq années s’écoulèrent avant qu’il fût rappelé de Suisse, où
il s’était réfugié à la fin de la guerre, pour remonter sur le trône. Le 20 juillet
1950, après un référendum où 57 pour 100 des Belges avaient approuvé son retour,
celui-ci provoqua une réaction si violente parmi la population qu’une guerre
civile faillit éclater. Il abdiqua bientôt en faveur de son fils.
Quoi qu’on puisse dire sur la conduite de Léopold III, rares
sont ceux [57] qui ont mis en question la façon magnifique dont son armée combattit. En mai
1940, j’ai suivi pendant quelques jours la VIe armée de Reichenau à travers la
Belgique et vu moi-même avec quelle ténacité les Belges luttaient contre l’irrémédiable
supériorité de l’ennemi. Pas une seule fois ils ne cédèrent sous les
bombardements impitoyables et sans riposte de la Luftwaffe, ni devant les
poussées des blindés allemands qui essayaient de forcer le passage. On ne
pourrait en dire autant de certaines autres troupes alliées. Les Belges tinrent
pendant dix-huit jours et auraient tenu bien plus longtemps s’ils n’avaient été,
comme le C. E. B. et les armées françaises du Nord, pris dans un piège qui n’était
pas leur œuvre.
MIRACLE A DUNKERQUE
Depuis le 20 mai, quand les tanks de Guderian avaient opéré
leur trouée d’Abbeville à la mer, l’Amirauté britannique, sur les ordres
personnels de Churchill, rassemblait des navires pour une évacuation possible
du C. E. B. et des autres forces alliées par les ports du Pas de Calais. Le
personnel non combattant et les autres « bouches inutiles » furent
ramenés immédiatement en Angleterre par petites embarcations. Le 24 mai, comme
nous l’avons vu, le front belge au nord était presque effondré, et, au sud, les
blindés allemands partis d’Abbeville en direction de la côte, après avoir pris
Boulogne et encerclé Calais, avaient atteint l’Aa à 35 kilomètres seulement de Dunkerque.
L’armée belge, les 9 divisions du C. E. B. et 10 divisions de la
1re armée française étaient prises entre les deux. Bien que le terrain à la
pointe sud de la poche, sillonné de canaux, de fossés et de régions inondées
fût mauvais pour les tanks, les panzers de Guderian et de Reinhardt avaient
déjà 5 têtes de pont sur la principale barrière, l’Aa, entre Gravelines et
Saint-Omer. Ils n’attendaient plus que le knock-down qui
martèlerait les armées alliées sur l’enclume des VIe et XVIIIearmées
allemandes, avançant du nord-est, et les détruirait en totalité.
Soudain, le 24 mai au soir, arriva un ordre péremptoire du
haut commandement, pris sur l’insistance d’Hitler,
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