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Le vétéran

Le vétéran

Titel: Le vétéran Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frederick Forsyth
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distingua en rien à l'école primaire, passa son brevet sans brio et ne continua pas jusqu'au bac. Mais à l'‚ge de sept ans, il lui était arrivé quelque chose qui rendait tout ça superflu. Son professeur de dessin lui avait montré un livre. Il contenait des illustrations en couleurs, et sans trop savoir pourquoi, l'enfant les avait contemplées avec émerveillement. Elles représentaient des jeunes femmes tenant un bébé dans les bras, et des anges ailés voletant derrière elles.
    Le gamin de Boode venait de découvrir sa première Vierge à l'Enfant, signée par un maître de la Renaissance. Suite à cela, son appétit devint insatiable.
    H passait des journées entières à la bibliothèque, à détailler les tableaux de Giotto, RaphaÎl, Botticelli, le Tintoret et Tiepolo. H dévorait les ouvres des génies, Michel-Ange et Léonard de Vinci, pendant que ses camarades engloutissaient des hamburgers bon
    marché.
    Durant son adolescence, il lava des voitures, livra des journaux et promena des chiens ; gr‚ce à ses économies, il traversa l'Europe en auto-stop pour voir la galerie des Offices et le palais
    Pitti.
    Après les Italiens, il se mit à étudier les Espagnols et fit du stop jusqu'à Tolède pour passer deux jours dans la cathédrale, à admirer les Vélasquez, les Zurbar‚n et les Murillo. H se plongea ensuite dans la peinture allemande, hollandaise et flamande. Toujours sans le sou à vingt-deux ans, il était devenu en revanche une encyclopédie ambulante sur l'art de la Renaissance. C'est ce
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    que Mordake avait constaté en guidant le jeune candidat à travers les salles d'exposition qui donnaient sur le hall. Car il y avait une chose que Mordake ne possédait pas, malgré son raffinement et son intelligence : un instinct infaillible. «a, on l'a ou on ne l'a pas. Et justement il l'avait, ce garçon débraillé des quartiers pauvres de Boode, même si personne n'était au courant, pas même lui.
    Le lendemain, lorsqu'il vint s'occuper des quatorze dépôts qu'il lui restait à examiner, il trouva des locaux presque déserts. En théorie, la maison Darcy était ouverte, mais le coursier posté à l'entrée n'eut pas l'occasion de saluer grand monde.
    Benny retourna dans la salle d'exposition et se pencha sur la dernière série de tableaux. De dimensions variées, ils se présentaient dans des emballages divers. L'avant-avant-dernier était empaqueté dans de la toile de jute. H enregistra sa référence sans y penser : D 1601. quand il le découvrit, il fut atterré par son état, par les couches de saleté qui cachaient la composition originale. Difficile de deviner à quoi elle avait bien pu ressembler.
    fl retourna le tableau. C'était du bois, un panneau. Curieux... Plus bizarre encore, ce n'était pas du chêne. S'ils peignaient sur bois, les artistes d'Europe du Nord utilisaient principalement du chêne. Mais cet arbre ne pousse pas en Italie, Pouvait-il s'agir alors de bois de peuplier ?
    Installant le petit tableau sur un chevalet, il promena sur la surface une lampe puissante, s'efforçant de percer le voile qui l'assombrissait, déposé
    par un siècle de fumée de cigare et de poêle à charbon, fl distingua une femme assise, mais pas d'enfant. Un homme s'inclinait vers elle, et elle levait les yeux vers lui. Une bouche petite, pour ne pas dire minuscule, en forme de bouton de rosé, et un front doucement bombé.
    Comme la lumière lui faisait mal aux yeux, il déplaça le faisceau de sa lampe et inspecta la silhouette masculine. Un détail là-dedans lui rappelait de vagues souvenirs. La position, la gestuelle... L'homme essayait d'exprimer quelque chose avec ses mains et la femme subjuguée lui prêtait toute son attention.
    Ces doigts repliés, ça lui évoquait... Ne les avait-il pas déjà aperçus quelque part ? Mais ce furent les lèvres qui provoquèrent le déclic. Encore une petite bouche pincée, et trois minuscules sillons verticaux au-dessus des yeux. O˘ avait-il vu un front
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    marqué de ces petites rides, non pas horizontales mais verticales ? H était persuadé de les reconnaître, sans savoir o˘ ni quand il les avait vues. H
    consulta le formulaire de dépôt. Un certain T. Gore. Pas de numéro de téléphone. Et mince ! Benny élimina les deux derniers tableaux, deux barbouillages insignifiants, et apporta les fiches à Deirdre, la seule secrétaire qui travaillait encore. Il lui dicta une lettre de refus type avant de lui remettre la pile de formulaires.

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