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Le vétéran

Le vétéran

Titel: Le vétéran Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frederick Forsyth
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vendre ses propres ouvres, il savait par contre copier celles des autres.
    H étudia les techniques des siècles passés, la composition chimique des peintures, l'effet du jaune d'ouf dans la détrempe, les possibilités d'imiter la patine des siècles avec du thé et du vin. Manque de chance, s'il ne toucha guère au thé, il commença à
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    abuser du vin. Pendant sa période d'activité, il fourgua aux cupides et aux naÔfs plus de cent toiles et huiles sur bois, qui passaient pour des Van Dyck ou des Véronèse. Avant même son arrestation, on racontait qu'il pouvait brosser un Matisse tout à fait honnête avant midi.
    Après midi, sa ´ petite amie ª rendait les choses plus délicates.
    L'amoureuse de Colley arborait une robe grenat, elle se présentait à l'état liquide et poussait habituellement sur les coteaux du Bordelais. Il tomba après avoir tenté de vendre une de ses productions d'après-déjeuner.
    Ulcéré autant qu'humilié, le monde de l'art insista pour que Colley soit durement sanctionné, et on l'enferma dans un grand b‚timent gris renforcé
    de barreaux. Là, les matons et les durs à cuire le traitèrent comme leur oncle favori.
    Le monde de l'art mit des années avant de savoir au juste combien de Burnside ornaient les murs. Colley accepta de les renseigner en échange d'une importante remise de peine. Après sa sortie de prison il sombra dans l'oubli, et vécut humblement des esquisses qu'il gribouillait pour les touristes.
    Benny présenta Trumpy au vieil homme, persuadé qu'ils s'entendraient bien.
    Il ne se trompait pas, ils étaient tous les deux des talents méconnus.
    Colley Burnside écouta le récit, dégustant d'un air reconnaissant le haut-médoc apporté par Benny. «a le changeait agréablement de son merlot habituel.
    - C'est ignoble, mon garçon, complètement ignoble, fit-il en postillonnant lorsque Benny eut terminé et que Trumpy confirma qu'on l'avait spolié de deux millions. Et dire qu'on m'a traité d'escroc ! Je n'ai jamais été dans le même panier que ces requins. En ce qui concerne mes anciennes activités, j'ai tout arrêté. Je me fais vieux, ce n'est plus comme avant.
    - Vous toucheriez une somme d'argent, précisa Trumpy.
    - De l'argent ?
    - Cinq pour cent, annonça Benny.
    Il se pencha pour chuchoter quelque chose à l'oreille de Colley. Les yeux chassieux du vieil homme s'illuminèrent brusquement. Il se représentait un ch‚teau-lafite rutilant comme un grenat à la lueur des flammes.
    - Pour une somme pareille, jeune homme, je peux vous exécuter un chef-d'ouvre. Ou même deux. Le dernier coup de Col-132
    ley - et son dernier coup de pinceau. Mes amis, qu'ils aillent tous se faire voir !
    Bien que très anciennes et peintes sur de très vieux panneaux de bois, certaines ouvres sont tellement détériorées qu'elles ne conservent que des fragments de la peinture originale, perdant ainsi tout leur prix. Le bois d'époque garde seul un peu de valeur. C'est un de ces panneaux que Benny finit par dénicher, après avoir fouiné dans une centaine de vieilles boutiques : de prétendus antiquaires qui ne vendaient en fait que des vieilleries.
    Dans un de ces bazars il acheta aussi pour dix livres une huile victorienne d'une incomparable laideur. Elle représentait deux perdrix suspendues à un crochet et un fusil à deux coups appuyé contre le mur. Il s'intitulait La Gibecière. Colley Burnside ne peinerait pas trop pour en faire une copie, mais il devrait se forcer pour atteindre à l'insigne nullité de l'original.
    Le dernier jour de juillet, un …cossais à moustache rousse, affligé d'un accent incompréhensible, se présenta à la succursale de Darcy à Bury St Edmunds, dans le Suffolk. Cette succursale n'était pas très importante, mais elle couvrait quand même les trois comtés d'East Anglia. Il s'adressa à la jeune femme de la réception.
    - Vous voyez, demoiselle, j'ai là une ouvre de grande valeur. Exécutée voilà un siècle par mon propre grand-père.
    Il lui montra La Gibecière d'un air triomphal. Elle avait beau ne pas être une experte, elle se rendait bien compte que les perdrix semblaient s'être fait écraser par un camion.
    - Vous souhaitez la faire expertiser, monsieur ?
    - J'y compte bien.
    La succursale de Bury n'était pas équipée pour les expertises, dont se chargeait exclusivement le personnel de Londres. H pouvait malgré tout y déposer le tableau et fournir quelques renseignements. La jeune femme nota ce qu'il lui

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