Le vétéran

disait. Mr Hamish McFee prétendait habiter Sudbury et elle n'avait aucune raison de ne pas le croire. En fait, l'adresse qu'il donna était celle d'une petite maison de la presse dont le propriétaire avait accepté de
    133
    recevoir jusqu'à nouvel ordre le courrier de Mr McFee. H lui réclamait en échange dix livres mensuelles, payées au noir. Le rogaton victorien fut acheminé vers Londres par le camion
    suivant.
    Avant de quitter le bureau, Mr McFee nota qu'on avait attribué au chef-d'ouvre de son grand-père la référence F 608.
    Ao˚t
    Le mois d'ao˚t fondit sur le West End avec l'effet d'un flacon de chloroforme. Les touristes envahirent le quartier tandis que les résidents tentaient de s'en échapper. Plusieurs destinations prestigieuses s'offraient aux nantis de chez Darcy : une villa en Toscane, un manoir en Dordogne, un chalet en Suisse ou encore un yacht dans les CaraÔbes.
    Mr Alan Leigh-Travers se passionnait pour le yachting. H avait un yacht aux îles Vierges britanniques, qu'il laissait mouillé près de Trellis Island pendant son absence, ÔÔ comptait consacrer ses trois semaines de vacances à
    une croisière vers le sud, jusqu'aux
    Grenadines.
    Peregrine Slade avait beau croire que le système informatique de Darcy était désormais plus imprenable que Fort Knox, il se trompait lourdement.
    L'expert qu'il avait fait venir utilisait un des dispositifs conçus et commercialisés par le patron de Suzie. Elle avait contribué elle-même à
    l'amélioration des points les plus délicats du système. Or, celui qui a inventé un système est très bien placé pour le désamorcer. C'est exactement ce que fit Suzie. Benny voulait se procurer la liste des congés pour le mois d'ao˚t, ainsi que le lieu de villégiature des intéressés et le numéro à contacter en cas d'urgence. Elle s'occupa de télécharger l'ensemble.
    Benny apprit que Leigh-Travers était en croisière dans les CaraÔbes et qu'il avait laissé deux numéros : celui de son mobile et la fréquence de la radio de son yacht. Suzie changea un chiffre dans chaque numéro. Mr Leigh-Travers était loin de se douter qu'il allait passer des vacances de tout repos, sans personne pour
    le déranger.
    Le 6 ao˚t, l'…cossais aux cheveux roux fit irruption dans les 134
    bureaux de Londres pour réclamer sa peinture. On ne lui fit pas la moindre difficulté. D fut assez obligeant pour fournir la référence, et dix minutes plus tard, un manutentionnaire allait la chercher dans la réserve et la remettait entre ses mains.
    Le soir, Suzie put constater sur son ordinateur que Darcy avait enregistré
    le dépôt du tableau à Bury St Edmunds à la date du 6 ao˚t et son retrait le 31 du même mois. Elle modifia simplement la seconde information. Le fichier signalait maintenant que suite à un accord, la peinture avait été enlevée par un camion du Colbert Institute. Le 10, Mr Leigh-Travers, qui n'avait jamais entendu parler de La Gibecière, se rendit à Heathrow pour s'envoler vers Miami, o˘ il prendrait une correspondance pour St Thomas et Beef Island, l'endroit o˘ l'attendait son ketch.
    L'Honorable Peregrine Slade faisait partie des gens qui évitent de voyager au mois d'ao˚t. Les routes et les aéroports encombrés, les stations surpeuplées lui donnaient des cauchemars. Cependant, il ne comptait pas rester à Londres : il se retirerait à la campagne, dans sa résidence du Hampshire. Lady Eleanor devant partir à Porto Ercole, dans la villa de ses amis, il allait pouvoir rester seul avec sa piscine chauffée, son grand parc, et un personnel réduit mais suffisant. Son numéro de vacances figurait aussi sur la liste, et Benny savait donc o˘ il séjournerait.
    Slade partit dans le Hampshire le 8 ao˚t. Le 11, il recevait une lettre manuscrite postée à Heathrow, dont il reconnut aussitôt l'écriture et la signature. Elle venait d'Alan Leigh-Travers.
    ´ Mon cher Perry,
    ´Juste un petit mot depuis le hall d'embarquement. Trop occupé à mettre de l'ordre dans le département pour la vente de septembre, je n'ai pas pensé à
    te parler de quelque chose : il y a dix jours de cela, un inconnu a apporté
    un tableau à Bury pour une expertise. quand il est arrivé à Londres, j'y ai jeté un coup d'ceil. En toute honnêteté, c'est une huile lamentable de la fin de l'ère victorienne. Elle représente deux perdrix mortes et un fusil.
    Aucune trace de talent là-dedans. Normalement, on l'aurait réexpédiée sans attendre. Mais quelque