Le Voleur de vent
de
pâmoison.
L’un d’eux répondit :
— Ah çà, monsieur le capitaine, voilà cas
qui nous est inconnu et question qui mérite que nous en discutions. Nous vous
ferons connaître notre réponse d’ici un an ou deux.
Les officiers s’éloignèrent et Paray des
Ormeaux, sourire aux lèvres, commenta :
— Ah çà, baron, vous êtes bien cruel de
leur soumettre pareille question dont réponse n’existe pas.
Sousseyrac secoua la tête.
— Point du tout. Ils vont en débattre
longuement et cela les occupera en manière de passion car, bien souvent, étudier
question est chose de plus grande excitation que de connaître réponse.
Fey des Étangs regarda la mer et, à mi-voix :
— Ainsi, ils iront plus facilement à la
bataille, ne verront point passer les saisons ni s’envoler les jours qui tous
emportent un peu de notre pauvre vie.
Des Ormeaux et Sousseyrac échangèrent un
regard, mais ne répondirent point.
43
Le roi Henri quatrième avait mangé en grand
appétit pâté de lièvre, côtelettes de mouton, corneilles aux choux dont il
était friand, truffes et asperges, fromage de Brie avec excellent pain de
froment et tarte aux coings, buvant en outre vin de Beaune qu’il appréciait
fort.
Il eût volontiers été s’allonger mais savait
qu’il devait recevoir avant que vers cinq heures de relevé il ne retrouve, et
dans quelles voluptés et délices, la superbe et fort jeune duchesse espagnole
Inès de Medina Sidonia.
On a beau être roi, et familier du succès, celui-ci
le laissait encore en grande surprise. Un conseiller lui ayant vanté la grande
beauté de la très jeune femme arrivée d’Espagne, il l’avait reçue assez vite et
à considérer qu’elle fut d’une très noble famille, la chose n’avait rien là qui
puisse étonner. Certains, des malveillants assurément, auraient peut-être
trouvé à redire au fait que Sa Majesté reçoive la duchesse en petite pièce
surchauffée où se voyait un lit, mais c’eût été faire procès sur intentions, qui
ne sont point les faits.
Quoi qu’il en fût, Henri quatrième avait
badiné, davantage par habitude qu’en l’espoir d’obtenir en telle entreprise
amoureuse quelque foudroyante victoire… qui pourtant fut au rendez-vous.
Ayant grande expérience des femmes, le roi ne
fut point long à deviner que la duchesse se trouvait initiée à l’amour – elle n’était
plus vierge – depuis fort peu de temps, avait dû connaître amant habile et
espérait trouver à nouveau, le plus rapidement possible, semblable émoi. Et que
tant qu’à faire, un roi de France est figure rare en la galerie des amants qui
se puisse imaginer, d’où la bonne fortune royale.
Cependant, Henri quatrième ne se leurrait
point trop sur la suite probable de cette plaisante aventure. Tout d’abord, la
duchesse retrouverait tôt ou tard l’Espagne, et probablement plus tôt que tard
puisqu’il comptait lui promptement faire la guerre afin d’asseoir la
supériorité de la France et briser l’encerclement que les Habsbourg avaient patiemment
tissé : Espagne au sud, Autriche à l’est, Provinces du nord occupées…
À cette raison s’en ajoutait une autre, à
savoir qu’aussi jolie femme, qui plus est de grande famille, ne demeure point
longtemps sans mari, si bien qu’il fallait profiter de pareille aubaine sans
différer davantage.
Enfin, le roi savait devoir également compter
sur sa propre inconstance qui lui faisait changer si souvente fois de maîtresse
bien qu’il sût par avance qu’il regretterait celle-ci.
Néanmoins, il n’était pas encore lassé de la
belle Espagnole et comptait connaître nouvelles ivresses en découvrant plus
avant ce joli corps.
Il décida donc de briller par l’esprit car, l’âge
étant venu, il ne s’était point montré sans momentanément faillir en l’amour
même s’il s’était repris en vue de donner bon épilogue à cette première
rencontre.
Aussi, et tandis qu’ils étaient encore
allongés côte à côte en le lit, avait-il demandé, l’air pénétré :
— Madame, vous n’êtes point familière de
ceci qui nous occupait à l’instant car à vous foutre comme je le fis, il me
sembla constater chez vous découverte bien récente du plaisir.
La duchesse n’avait point aimé cette question
déguisée, et moins encore la manière dont elle fut formulée.
Aussi répondit-elle :
— Sa Majesté devrait considérer que ces
choses ne sont point bonnes à dire pour celles
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