Le Voleur de vent
qui les confessent.
Semblable réponse ne pouvait qu’irriter le roi.
— Ne point dire, c’est trahir, et c’est
là habitude de femmes, prétend-on. Cependant, me dirait-on mille fois que vous
me trahissez, je n’en croirais rien que je ne vous entende. Aussi, répondez :
avez-vous eu nombreux amants ?
— Un seul, Sire, mais il les valait tous,
j’en jurerais.
— Un Espagnol ?
— Un Français.
Henri quatrième enragea. Quoi, il s’en était
fallu d’un homme, et par malheur un de ses sujets, qu’il ne prenne lui-même si
adorable pucelage ?
— Quel est cet homme ?
— Votre bel amiral des mers du Levant, Sire,
Thomas de Pomonne, comte de Nissac.
Henri quatrième donna grande claque sur le lit
et laissa échapper :
— Mort-Dieu : encore lui !…
Puis, rapidement, il avait entretenu la
duchesse d’autre chose car il n’entendait point s’expliquer avec elle sur
monsieur de Nissac.
Cependant, il avait peu de goût à la
conversation car son esprit revenait sans cesse à l’amiral heureux à la guerre
comme en l’amour. Si bien qu’en peu de temps, il en vint à considérer, non sans
un aveuglement des plus volontaires, que Nissac n’avait pris la ravissante
Espagnole pour maîtresse que dans le projet de le ridiculiser. Dès lors, il fut
dans l’intention de faire payer son déshonneur le plus cher qu’il fût possible.
Henri quatrième s’ébroua. Pour Nissac, on
verrait bientôt. Il devait d’abord rencontrer autre personne.
Le roi, incrédule, porta
la main à sa joue où se pouvait voir la trace de cinq doigts.
Cela faisait fort longtemps que femme ne l’avait
point giflé et il trouva en cet afflux de sang au visage plaisir un peu sauvage,
qui n’était point pour lui déplaire.
Étranger à toute rancune en cette occurrence, il
sourit en voyant la jeune femme qui lui faisait face. Une mèche de cheveux
blonds barrant son front, les yeux verts étincelants de colère, elle le
regardait avec une pointe de dégoût qui, très curieusement, renforça le désir
du monarque. Distrait, il mit quelques secondes à comprendre ce qu’Isabelle de
Guinzan venait de lui dire, si bien que devant son air d’incompréhension, elle
dut répéter :
— Je n’ai point fait le voyage depuis
Orléans pour que Sa Majesté éprouve de la main la fermeté de mes fesses.
— Tant je le regrette, madame, elles sont
rondes, dures et dodues, irrésistiblement attirantes et il m’eût été fort aise
d’être leur maître.
— La chose est de toute façon impossible,
Sire : j’aime ailleurs.
Henri quatrième fut dès lors sans illusions, comprenant
que cette réponse n’était pas fausseté, mais correspondait à quelque chose de
très profond. Cependant, il ne regretta pas d’avoir posé la main sur si
mignonnes fesses et petit cul des plus avenants, considérant que ce qui est
pris est pris.
Songeur, il recula d’un pas pour mieux
considérer la jeune femme. Au fond, tout se tenait en cette histoire et, si
elle pouvait gifler le roi de France, il n’était point étonnant qu’elle eût, comme
on le lui avait expliqué, attaqué une bande de loups-garous en blessant l’un d’eux
avant de se jeter contre brigands de grand chemin sur la route de Paris.
« Une femme exceptionnelle !… J’eusse
aimé la juger en l’amour ! » songea-t-il.
Il soupira :
— N’en parlons plus, madame !…
D’un pas lent, il s’approcha du bureau et
scella un document en expliquant :
— Madame, apprenez ceci qu’actes et édits
sont ordinairement scellés à la cire brune. Seule la cire verte, que j’emploie
pour vous, indique application éternelle de la volonté royale. Ce document vous
rend votre titre de baronne, selon vos mérites et notre bon plaisir.
Isabelle de Guinzan, femme qui appréciait la
loyauté en le caractère, la fermeté en la volonté et la droiture des âmes fut
touchée que le roi fit ainsi preuve de constance en ce qui fut sans doute son
intention première. Car d’évidence, il ne l’avait point fait venir pour l’entendre,
sachant probablement tout de ses aventures, mais pour la récompenser. Or, monarque
mesquin, blessé par le fait qu’elle l’eut giflé, aurait sans doute cherché à
surseoir à la restitution de son titre avant que de feindre de l’oublier. Henri
quatrième n’était point de cette sorte d’hommes mesquins et la jeune femme, émue,
ne sut que dire :
— Je vous remercie, Majesté !
De son côté, le
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