Le Voleur de vent
l’extérieur en quelques foulées.
Valenty, qui découvrit alors la main armée d’un
pistolet de Nissac, s’étonna :
— Quoi, vous n’avez point tiré ?
Les yeux gris de l’amiral avaient un instant
prit teinte lavande sous effet de grande tension. Il répondit :
— J’ai vu son visage. Je ne le veux point
tuer, car je pense l’avoir quelque jour prochain au bout de mon épée. Il faudra
bien alors que ce monsieur me dise pour le compte de qui il me voulait occire.
L’amiral croisa le regard de la duchesse Inès
de Medina Sidonia qui avait vu toute la scène comme elle sortait prématurément
de chez le roi, celui-ci n’étant point, ce jour, d’humeur amoureuse.
Un instant crucifiée par les yeux verts d’Isabelle
de Guinzan, la belle Espagnole ne sut que faire puis choisit de s’évanouir.
À tout hasard…
49
Les coups pleuvaient de tous côtés et, malgré
sa robustesse, « Jaune », qui avait décidé de ne se point défendre, perdit
l’équilibre et tomba durement sur le sol gelé.
Aux coups de poing succédèrent alors coups de
pied, ceux au visage étant souvent les plus douloureux.
Sous la tête de loup, « Jaune »
saignait d’abondance, nez et dents cassés, et il ne put voir le curé arriver
des rangs arrière, entraînant avec lui le forgeron.
Celui-ci tenait barre de fer très lourde entre
ses mains puissantes. Heureux que tous le regardent, chose qui d’ordinaire ne
se produisait jamais, il lança d’une voix forte :
— J’ai là remède pour que le monstre ne
se sauve point et reste à demeure pour que nous nous amusions encore.
Avec précision, et sans ressentir la moindre
émotion, il leva et abaissa la barre de fer à quatre reprises, brisant les
jambes et les bras de « Jaune » qui, cette fois, le voudrait-il, ne
pourrait plus s’échapper, et pas davantage rendre les coups.
Au centre du village, on se hâtait de réunir
fagots de toutes tailles en un gros bûcher tandis que d’autres amenaient la
poix.
« Jaune » fut tiré en affreuses
souffrances par ses jambes cassées jusqu’au bûcher. La douleur atroce lui
arrachait des grognements car les os brisés en menus fragments entraient à
chaque mouvement et secousse en les chairs déjà meurtries.
Pourtant, les grognements qu’il lançait ne
rallièrent personne à sa cause. Aucun, aucune ne songea que, si par ses actes « Jaune »
n’appartenait plus à l’espèce humaine, et serait alors créature dont on
ignorait l’ordre, celle-ci ne s’en trouvait pas moins vivante et comme telle, ressentait
la souffrance. Nul, en ce pieux village, ne se tint raisonnement selon lequel à
utiliser certains moyens et méthodes avec êtres malfaisants, on se ravale
soi-même, quelle que soit la justesse de votre cause, au rang de créature
malfaisante. Et pareillement, il n’en fut pas une, pas un, pour penser que si
créature n’a plus sa place en la communauté humaine, et qu’il faille alors se
résoudre à lui ôter la vie, le plus tôt fait serait le mieux.
L’exemple venait de haut.
Le curé, qui pour connaître les paroles de l’Évangile,
n’avait point cherché à savoir si, en prêtant l’oreille au loup-garou, il
entendrait battre le cœur de la création, le curé, donc, ne voyait les choses
que selon la raideur des dogmes.
Restant à proximité de la pauvre créature à
tête de loup qu’on continuait à battre, il répétait :
— Qu’on ne la tue point, la mauvaise
semence !… Qu’elle vive encore un peu, la créature du démon !… Loup-garou
doit être brûlé vif, et le corps, et le cœur, et l’âme !… Vif, tout vif en
les saintes flammes !…
Les hommes fatigués de tant frapper laissèrent
alors la place aux femmes qui attendaient sans un mot, mais non sans grande
excitation.
En hurlements stridents, elles se jetèrent sur
la pauvre chose pantelante et tels les hommes, elles se gardèrent bien doter la
tête de loup. Pourtant, le prêtre n’avait point donné instructions en ce sens
mais toutes et tous pensaient que sous la tête de loup se trouvait visage du
diable et que pareille vision ferait perdre l’usage des yeux quand l’âme, aussitôt,
s’échapperait pour s’en aller errer dans la campagne froide et venteuse en les
siècles des siècles sans plus jamais trouver refuge consacré.
Les femmes n’avaient point la force des hommes
et plusieurs s’étaient armées de couteaux.
Le curé les écarta un instant car une fois
encore, il ne
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