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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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bêtes, repas de racines… Et ces horribles
instants, ce frémissement de la tête aux pieds lorsque, voyant un enfant, il
savait qu’il l’enlèverait en grande facilité et commettrait peu après « le
grand péché » qui consistait à mordre dans cette chair tendre avec sa
formidable mâchoire, à avaler ce sang, tout ce sang qui l’étouffait aujourd’hui
par l’arrivée du souvenir. En le tuant, on l’allait libérer des forces du mal
qui parfois prenaient possession de lui, domestiquant sa volonté et enchaînant
son âme.
    Il fut heureux de cette trouvaille : ceux
qui croyaient lui ôter la vie, le bien le plus précieux, allaient en réalité
lui faire connaître enfin la liberté et qu’il s’agît de son âme, point de son
corps, la chose paraissait plus belle encore car ce corps laid, ce visage
disgracieux, il les haïssait.
    Enfin, on l’allait libérer de ce moine fou et
intelligent, sans morale, sans visage et le cœur charbonneux. Il n’aurait plus
douleurs de peur en la poitrine dès qu’il apercevait la forêt pétrifiée, le
village en ruine, la rivière aux vapeurs de soufre puis l’imprenable château
des chimères aux souterrains jonchés d’ossements. Lui-même ne serait bientôt
plus que cela, des ossements, et la chose lui importait peu. Il se souvint des
paroles d’un vieil Allemand ayant perdu les bras à la guerre et qui se
nourrissait à plat ventre, lampant tel un chien. L’ancien soldat n’était point
idiot qui prétendait que l’homme portait sa vie durant le crâne qui
subsisterait de lui après la mort, à peine habillé de peau de son vivant comme
pour satisfaire aux convenances.
    Il s’en allait dire adieu, enfin au monde des
épouvantes, à ces rêves affreux qui hantaient ses nuits.
    Il arriva à l’entrée du village dont barricade
de tonneaux interdisait l’entrée.
    Une centaine d’hommes, menés par le curé, se
tenaient derrière, silencieux, si bien qu’on n’entendait que les pas de « Jaune »
dont les bottes faisaient craquer les flaques gelées. En retrait, les femmes
silencieuses attendaient, visages durs.
    « Jaune » sentit que les choses ne
se passeraient point telles qu’en ses espérances, et sans doute plus durement
qu’en ses épouvantes.
    Le curé !
    Celui-là, au visage de fou, avait regard de
fanatique. À quoi s’ajoutait que les villageois avaient eu peur, et qu’ils
feraient payer cette frayeur au prix fort.
    Quoi qu’il en soit, « Jaune » savait
qu’il était à présent trop tard pour reculer.
    Toujours en l’impressionnant silence, on
écarta avec méfiance quelques tonneaux et « Jaune », tenant l’enfant
en ses bras, s’engagea en le passage ainsi libéré. Il hésita, puis jeta son
épée sur le sol.
    Il s’adressa au jeune curé et, à travers la
tête de loup, sa voix paraissait étrange :
    — Prenez l’enfant. Je suis un maudit, et
celui-là est un innocent.
    Le prêtre recula théâtralement, son regard fol
étincelant de joie mauvaise.
    — Tu le protèges, chien de l’enfer ?…
C’est donc qu’il appartient à ta satanique engeance, une graine du diable !
    — Mais c’est un tout-petit… Je me livre à
vous pour être châtié selon le goût qui est le vôtre, mais point lui qui fut
enlevé à ses parents auxquels vous le devez rendre.
    Le curé aspergea l’enfant et le loup-garou d’eau
bénite puis, à un homme au poitrail imposant barré d’un tablier de cuir et qui
se trouvait sans doute forgeron :
    — Enferme celui-là. Nous le brûlerons
plus tard.
    On arracha l’enfant des mains de « Jaune »
qui sentit déchirement en son cœur lorsque le petit garçon, qui ne voulait
point cette séparation, se mit à hurler de désespoir. Mais déjà, on l’emportait.
    « Jaune » constata alors qu’on l’entourait
de toutes parts et vit le curé hocher la tête d’un air de grande componction.
    Alors, ce fut violence extrême et déchaînement
infernal chez tous ces hommes si favorables à un Dieu de bonté et de pardon.
    La baronne Isabelle
de Guinzan et le comte de Nissac s’en étaient revenus en la cour du Louvre sans
s’adresser un mot.
    Les paroles du roi, les détails de la mission
audacieuse où l’impossible était demandé, tout cela s’était comme envolé sitôt
le monarque disparu. Et ne demeurait plus que la réalité de ce qu’il demandait,
cause d’effarement chez la baronne et de grande perplexité chez le comte. Mais
ni elle ni lui n’osaient

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