Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
Vom Netzwerk:
voulait point que les choses se passent hors de l’usage qui
réservait les flammes, vif, à tout loup-garou capturé.
    Troublé par toutes ces femmes qui l’entouraient,
par leur odeur de transpiration et celle du sang frais du monstre, le curé ne
savait plus si en son office il versait vers le divin ou le péché, acte de
bonne religion ou fête barbare car, sous sa soutane, sa queue s’était durcie
sans qu’il y puisse porter remède.
    Sa voix, inversement, fut des plus fluettes
lorsqu’il ordonna :
    — Ne taillez point les chairs en
profondeur !… Il doit vivre pour expier en le feu purificateur !… Tel
vous devez faire !
    Il s’écarta.
    Aussitôt, plusieurs femmes jouèrent du couteau.
On taillait morceau de viande en les muscles des cuisses, de la poitrine et des
bras, n’entendant pas même les plaintes de plus en plus faibles du loup-garou.
    Certains portèrent la chair à leur nez pour en
éprouver l’odeur et le curé, en inspiration soudaine, perdit tout à fait le peu
de tête qu’il possédait en ordonnant :
    — Mangez la chair du diable !… La
manger, c’est la faire disparaître à jamais et montrer que créature du Seigneur
est plus forte que celle du diable, que brebis de Dieu terrasse loup-garou de
Lucifer tel saint Georges le dragon.
    On mangea donc du « monstre » alors
qu’il n’avait point encore expiré.
    Parut alors jeune fille qu’on disait simplette
et qui, jusqu’à cet instant, n’avait point assisté au spectacle de « la
bête » terrassée.
    On ne lui prêta guère attention. Au reste, bien
qu’elle fût âgée de dix-huit ans, elle ne comptait guère en la vie du village.
    Elle s’approcha sans qu’on l’écarte, les
autres se trouvant occupés à comparer goût de la viande. Elle s’agenouilla et
regarda le loup-garou. Elle trouva belle cette tête de loup car, quoi qu’on
dise de cet animal, ce serait réelle injustice de lui discuter qu’il ne manque
pas de beauté.
    Elle vit les poils en plusieurs variétés de
gris, allant de la couleur de l’étain jusqu’à un blanc très pur.
    Puis elle vit son regard.
    Les yeux, sombres et profonds, très noirs, émurent
la jeune fille qui souffrit en voyant les nombreux filets de sang qui en
altéraient beauté et venaient de tous les coups reçus.
    Elle trouva l’expression du regard si
malheureuse qu’elle en fut bouleversée.
    Enfin, elle fut seule à entendre une voix
suppliante, déformée par les dents cassées :
    — Tue-moi !… Je t’en supplie, je
souffre trop, tue-moi !… Achève-moi, par pitié !…
    Celle qu’on disait simple, et qui vivait à l’écart
non de son fait, mais parce qu’on ne la considérait point, celle-là qui, lors
des messes, s’ennuyait et pensait à autre chose pour ne point bâiller, elle, qu’on
laissait courir les forêts pour ne rentrer qu’à la nuit, l’idiote, en un mot, avait
longuement regardé vivre les bêtes sauvages. En les forêts, on tuait et se
faisait tuer. On mangeait, on était mangé. Mais jamais comme chez les hommes, grands
dispensateurs de mépris pour tout ce qui n’est point eux, on ne faisait
souffrir pour le plaisir.
    Elle regarda autour d’elle et vit un couteau
sanglant abandonné près du corps supplicié.
    Elle hésita.
    Puis de nouveau, son regard plongea en celui
du loup-garou et de « monstre » à « idiote », entre
réprouvés, tous deux se parlèrent sans échanger une parole.
    Langage de douleur, de souffrances, il n’est
personne qui le sache traduire car jamais en l’histoire ne fut rapportée
conversation muette entre loup-garou agonisant et folle cloîtrée en un autre
monde.
    Monstre dut pourtant se montrer persuasif car
la jeune fille saisit le couteau d’une main qui ne tremblait point.
    Le loup-garou ferma un instant les paupières
puis, regardant de nouveau la jeune fille :
    — En le cœur, de toutes tes forces !…
    La simplette enfonça le couteau jusqu’à la
garde et écouta le soupir qui s’échappait du pauvre corps supplicié.
    Le curé, seul, car il veillait à la chose plus
que les autres qui à présent dansaient et chantaient, aperçut le manche du
couteau dépassant de la poitrine du loup-garou.
    Mesurant l’ampleur du désastre, il fut en un
bond près du cadavre et ôta la lame sanglante.
    Il avait perdu !…
    Perdu devant Dieu, songea-t-il, mais point
devant les villageois, aussi décida-t-il de tenir secrète la mort du loup-garou.
Quant au reste…
    Il porta la

Weitere Kostenlose Bücher