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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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un poète que j’aime, qui fut amené à la Cour
par le maréchal d’Estrées et se trouve à présent précepteur du Dauphin, lui
apprenant la rhétorique et le latin sans guère le brusquer, dit-on. Il déteste
le pape, multiplie les aventures érotiques et, pour ces raisons, a l’estime du
roi.
    — Et la vôtre.
    — Pour raisons différentes, madame.
    — Quelles sont-elles ?
    Le comte hésita. Il était en son élément en s’élançant
contre adversaire dix fois plus nombreux que lui mais n’osait dire poème à la
femme qu’il aimait. Et cependant, il pensait qu’en l’amour, tout se doit
partager. La poésie elle aussi. Mais non, il n’osait point.
    — J’aperçois bien que vous les voulez
savoir mais… Ah, madame, en quelques instants, lorsque je me serai couvert de
ridicule, vous ne me pourrez plus reprocher mon hésitation à vous dire quelques
vers de mon ami Des Yveteaux, hélas trop ivre pour vous les dire lui-même.
    — Dites-moi ces vers, monsieur le comte, je
vous en prie.
    Nissac prit sa respiration et porta le regard
de ses yeux gris vers les lointains en récitant d’une voix de basse :
    — « Hais les sectes de part, mais
aime tous les hommes,
    « Sans te réduire aux lois des climats où
nous sommes,
    « Que l’Arabe, le Scythe et les fronts
basanés,
    « Qui sous un autre ciel que le nôtre
sont nés,
    « Ne soient tenus de toi pour des peuples
barbares,
    « Et chéris leurs esprits, s’il s’en
trouve de rares. »
    Elle l’aima plus encore, quoique quelques
instants plus tôt, elle eût cru la chose impossible.
    Par l’inclination naturelle de son esprit, elle
adhérait au sens de ces vers que chérissait Nissac, mais ses propres aventures,
qui la firent baronne, puis roturière et de nouveau baronne, l’avaient
confortée en cette pensée selon laquelle la naissance n’est rien, quel que soit
son rang ou son pays, et qu’hommes et femmes n’existent en la qualité que par
leurs actions et ce qu’ils font de leur vie.
    Mais le trouble de la baronne venait aussi d’autres
raisons.
    Ainsi, l’air embarrassé, et fort émouvant, du
comte, qui ne savait quel effet il venait de produire et dont les superbes yeux
gris prenaient très légère coloration violette.
    Et cette réalité singulière, que cet homme si
remarquable, célèbre et tant redouté en l’action occupait son temps, lorsqu’il
posait son sabre, à lire des poètes dont il se faisait des amis !
    Elle lui ôta toute anxiété en disant :
    — C’est là fort belle tournure et idées
qui me sont proches, les deux faisant jolie réussite.
    Ils se regardèrent. Jamais comme en cet
instant ne leur était apparu en telle clarté ce qu’ils devaient faire, et qui
consistait à se jeter l’un contre l’autre, échanger des baisers fous et les
entrecouper de nombreux « Je vous aime ! »
    Pourtant, et quoi qu’ils aient dit ou pensé
peu avant des différences de naissance, ils l’éprouvèrent hélas, même si ce n’était
point en le sens des préjugés, tout au contraire.
    Le comte de Nissac, au nom couvert de gloire
depuis des siècles, craignait que la baronne, pourvu qu’il risque un geste ou
une parole, ne pensât qu’il abusait de sa puissance.
    La baronne, pour sa part, redoutait de risquer
le même geste, elle qu’on eût dès lors peut-être jugée comme étant intrigante.
    Elle désigna le triste magistrat d’Orléans qui
manifestait signes d’impatience.
    — On m’attend. Je dors ce soir en auberge
à Paris et repartirai demain pour les bords de Loire.
    Elle hésita et ajouta :
    — De bon matin. Six heures.
    Il nota soigneusement la nouvelle en son
esprit et répondit :
    — Pour ma vie que vous avez sauvée, je
vous dois… ce que vous voulez ! Réfléchissez-y, car sur cette dette à
payer, je ne capitulerai point.
    Ils éprouvèrent quelques difficultés à s’arracher
à la contemplation l’un de l’autre puis chacun, enfin, alla tristement son
chemin.

51
    En raison d’épaisse fumée, on ne voyait point
le cadavre se consumer, et les villageois en concevaient dépit et peur.
    Ils eurent en effet aimé voir brûler le
loup-garou en les détails de la combustion, prêtant une oreille attentive aux
os qui rompent et aux chairs grésillantes car tous pensaient qu’en leur avenir,
et vivraient-ils très vieux, ils n’assisteraient point encore à pareil
spectacle d’un loup-garou sur le bûcher. De là leur venait sentiment qu’on leur
volait leur

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