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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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haïssait cet homme !… Et
comme il l’admirait, le haïssant davantage encore de susciter en lui pareil
sentiment. Qu’était la vie de cet amiral, aussi heureux en ces combats sur
terre que sur mer, fils chéri de l’audace et de la victoire ?… Qu’étaient
ses joies, ses peurs, ses frissons et le souffle doux et sucré de la liberté d’aller,
d’entreprendre, de vaincre ?… À la comparer en tout cela à celle de l’amiral
français, Philippe III d’Espagne trouva sa propre vie bien étriquée.
    Il soupira.
    Il fallait tuer Nissac à tout prix. Pour l’honneur
de l’Espagne qu’il avait offensée mais aussi pour raison plus secrète qui était
que cet homme, par sa vie libre, donnait bien fâcheux exemple. Faisant rêver
les monarques aujourd’hui, demain ce serait le peuple, et ceux qui rêvent de
liberté finissent par se toujours révolter.
    — Qu’on convoque les amiraux. L’amiral
français va vouloir regagner la Méditerranée. Il ne doit absolument pas passer.
L’épave du Dragon Vert et les os de son équipage doivent trouver
dernière demeure à proximité des côtes d’Espagne. Allez !…
    Le jeune général salua et s’éloigna rapidement
pour remplir sa mission. Secrètement, il se réjouit de n’avoir point servi Dieu,
le roi et son pays en la marine, mais en l’armée.
    N’étant point encore
averti, on n’avait pas réagi en le port de La Corogne, et pareillement aucun
adversaire ne se présenta venant des côtes du Portugal. Cependant, ce calme ne
rassurait point le comte de Nissac tandis que Le Dragon Vert, toutes
voiles dehors, approchait du cap Saint-Vincent. L’ayant doublé, il lui faudrait
virer à quatre-vingt-dix degrés en direction du Levant et entrer en cette sorte
de goulot qui s’allait rétrécissant de plus en plus pour mener au détroit de
Gibraltar.
    C’est là, bien entendu, qu’on l’attendrait, en
cet endroit de grande étroitesse où côtes d’Espagne et d’Afrique sont si
proches qu’elles se touchent presque.
    Le comte de Nissac avait peur. Comme toujours
avant les batailles. Une peur qui lui glaçait le dos, lui serrait le ventre et
desséchait la bouche. Comme toujours, il doutait. Il avait tenté de penser à
tout pour limiter l’imprévu porteur de défaite, mais peut-on penser à tout ?…
Et comme toujours, le plus difficile, peut-être, il devait dissimuler sa
panique à tous, paraître ce qu’il n’était pas, afficher cet air lointain, inexpressif,
d’une froideur de banquise quand son sang bouillonnait dans ses veines, que son
cœur roulait du tambour, quand ses phalanges blanchissaient à force de serrer
la poignée de son sabre.
    Mais cela, il le devait à son équipage car si
ses hommes doutaient de leur chef, ils perdaient la bataille et la vie par la
même occasion. On lui faisait confiance ?… Ah, plutôt mourir mille fois
que de trahir sentiment si émouvant !… Au reste, dès le premier boulet, cette
peur, par grande chance, s’envolerait sans qu’il y fût pour quelque chose, ne
sachant à qui, à quoi, adresser sa reconnaissance.
    Il savait que ses hommes auraient préféré être
poursuivis qu’attendus. En le premier cas, l’ennemi est derrière et on le
surveille. Dans l’autre, on ne l’a point encore vu, ce qui paraît plus
redoutable.
    Nissac avait passé beaucoup de temps à réunir
ses artilleurs, ceux de bâbord comme de tribord. Tous l’admiraient profondément
comme marin mais aussi comme canonnier où il se montrait le meilleur d’entre
eux. Mais décidément ce qu’il leur demandait, cette fois…
    La comtesse vint le rejoindre sur la dunette. Il
la prit par la taille et tous deux regardèrent silencieusement la mer.
    Avec cette finesse qu’ont si souvente fois les
femmes, et que ne remarquent hélas pas toujours les hommes, Isabelle évitait de
parler du combat à venir, sentant que Thomas ne le souhaitait pas.
    Ayant bonne conscience de la chose, il lui en
sut gré.
    Cependant, la jeune femme ne s’interdisait
point les autres sujets car, outre qu’il était son amour, le comte de Nissac se
trouvait homme avec lequel on pouvait parler de toutes choses. Or, en la vie de
la comtesse, cela n’avait jamais été le cas, que ce fût avec ses cinq frères ou
plus tard avec son éphémère époux.
    Elle aimait parler de ce que le hasard ou la
fantaisie lui faisait un instant passer en l’esprit comme elle appréciait
infiniment que le comte, homme intelligent et de grand savoir, prît

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