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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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chaque fois
quelques instants pour réfléchir à ce qu’elle venait de lui dire et apportât
réponse qui élargissait l’entendement qu’elle avait de la vie et des choses
humaines. Elle y voyait une forme de respect, ce respect et cette galanterie qu’il
continuait à lui prodiguer à chaque instant quand tant d’hommes, sitôt mariés, traitaient
leur épouse tel qu’ils ne l’osaient point avec leur chien.
    — Imagines-tu, si nous ne nous étions
point rencontrés ?
    Sur sa taille, elle sentit légère pression de
la main du comte de Nissac.
    — Nous devions nous rencontrer.
    — Comment sais-tu cela en si forte
certitude ?
    Son regard croisa les étranges yeux gris
légèrement amusés de l’amiral.
    — Raison que tu ne croiras point, belle
amour, et tu auras tort, mais en toutes ces longues nuit de ma vie à regarder
les étoiles et saluer « Dame Lune », celle-ci me l’avait dit, ou
plutôt confirmé.
    — Qu’avait-elle dit encore ?
    — Que nous serions heureux. Que nous
aurions un fils et que la mort ne nous séparerait point d’un long temps.
    — La mort ?
    Il lui caressa le menton d’un geste tendre et
d’étonnante légèreté puis, toujours très souriant :
    — Belle amour, la mort est chose
inéluctable. Fuir pareille réalité est aussi vain que fol. Et le prix des
instants de grand bonheur qui nous unit vient aussi du fait qu’ils ne sont pas
éternels.
    — Comment ?… Quand ?… demanda-t-elle
en grande inquiétude.
    Il lui sourit.
    — Je mourrais par traîtrise avec tous mes
officiers, mes hommes et Le Dragon Vert qui s’enfoncera pour toujours en
les eaux noires d’une mer très lointaine… mais cela n’arrivera que dans dix ans.
La chose me fut dite quand j’étais jeune officier par un vieux Crétois qu’en
son île tous respectaient et qui me promit la gloire, la victoire, l’ingratitude
des rois, un amour exceptionnel et, après dix ans de ce bonheur, traîtrise qui
vaudrait explosion par poudre du Dragon Vert en une mer pourtant vide d’ennemis.
    Il réfléchit, un instant rêveur :
    —  Qui sait, un
espion de Philippe III ?
    Il s’ébroua et reprit :
    — Je répétais tout cela à « Dame
Lune » et sais-tu quoi ?… Elle fit aussitôt éclipse que rien ne
laissait prévoir. Cela me troubla fort puis je compris qu’elle confirmait ainsi
prédiction du vieux Crétois.
    La comtesse fut atterrée :
    — Dix ans !… Mais c’est si court !…
    Il la serra contre lui, caressant d’une main
douce les cheveux blonds.
    — Dix ans, c’est au contraire toute une
vie !… Certains traînent longuement existence où ils ne connaîtront pas
même une minute d’amour et de bonheur. Pense à mes marins et soldats tombés au
Fort du Feu ou au Texel contre la Flotte du Nord, souviens-toi comme certains
étaient jeunes et ardents et songe que, s’ils sortaient à l’instant de la mort
pour se voir promettre dix années de bonheur, ils seraient les plus heureux des
hommes qui furent jamais au monde. J’ai vu… J’ai vu tant d’hommes mourir, tant
de souffrances et d’horreurs que l’idée de vivre toute ma vie en les dix années
qui viennent, toute une vie de bonheur et d’amour à partager avec toi en cette
merveilleuse décennie, eh bien me voilà presque honteux d’être si heureux.
    La comtesse trouvait court, trop court, ce
délai de dix années heureuses mais l’instant d’après, dix ans lui paraissaient
temps dont on pouvait profiter en étirant chaque seconde. Finalement, elle ne
savait plus quoi penser, effarée à l’idée de la mort du comte, enivrée par l’idée
de vivre dix années de bonheur elle qui, avant cette rencontre, pensait n’en
pas même vivre un instant.
    — Répète, je t’en supplie, ce que dirent
le vieux Crétois et Dame Lune ?
    Il s’écarta légèrement pour la bien regarder
dans les yeux afin qu’elle mesurât sa sincérité.
    — Que je rencontrerais l’amour. Que nous
aurions un fils. Que nous serions heureux dix ans et que tu me suivrais vite en
la mort.
    Ils se regardèrent intensément et il comprit
son désarroi :
    — Parfois, je n’y croyais qu’à demi car d’amour,
je n’en voyais pas même l’ombre. Puis tu parus… Alors, déjà troublé par toutes
mes victoires qu’il avait prédites, je sus qu’il disait vrai. Je n’y vois rien
qui soit triste, car il n’est point femme ni homme qui ne serait transporté d’allégresse
en apprenant qu’il a dix

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