Le Voleur de vent
catholiques égarés tolèrent à présent la
liberté de culte aux huguenots maudits ?… Trop, bien trop !… Et c’est
son œuvre !… C’est un tyran, le tuer est un devoir, ton devoir !… Le
tyrannicide n’est point œuvre d’assassin !… Souviens-toi de Jacques
Clément qui tua Henri troisième, ami des hérétiques, et combien le peuple l’aime,
vénère sa mémoire et ne le traite point d’assassin mais de saint !…
L’homme entendait bien ces paroles. En toutes
choses, elles allaient en le sens de ce que pensait déjà l’enfant dont la vie
avait été détruite par ceux du parti huguenot menés par le renégat béarnais.
D’Épernon observa en grande satisfaction l’homme,
qu’au fond il méprisait, mais qui hochait lentement la tête en situation de
grand accord. Il reprit :
— Nous savons tout de toi. Qui tu es, d’où
tu viens, ce que tu penses, ce que tu veux et pareillement ton magnifique
destin dont tu ne sais pas même mesure !… Le peuple te vénérera tel un
libérateur.
L’homme hocha la tête avec forte conviction.
Satisfait, le duc d’Épernon reprit en faisant
tonner sa voix :
— Jamais, jamais, serais-tu martyrisé par
le bourreau, tu ne dois parler ni livrer aucun nom !… Tu ne dois jamais te
détourner de ceci : seul tu as décidé de châtier l’hérétique faussement
converti. Absolument seul !… Tu n’as nul complice, nulle connaissance. Viendrais-tu
à parler, nous te trouverions au fond des prisons les mieux gardées pour te
donner mort infamante qui t’ôterait à jamais l’amour du peuple. Quant à ton âme…
ta pauvre âme…
D’Épernon baissa la tête, comme soudain
accablé, puis, brusquement, il tendit un doigt vengeur vers l’homme et d’une
voix de plus en plus aiguë :
— Alors tu serais maudit et damné en les
siècles des siècles et jusqu’à la fin des temps !…
L’homme recula, pris de tremblements et ne
pouvant dissimuler sa terreur :
— Non !… Non !… Jamais, jamais,
messeigneurs !… Je ne parlerai jamais !…
— Alors va !
L’homme sortit.
Sous sa cagoule, l’ambassadeur d’Espagne
ébaucha grimace qu’on ne lui pouvait voir et questionna :
— Vous lui donnez ainsi votre confiance ?
D’Épernon eut un geste de mépris au souvenir
de l’homme aux cheveux et à la barbe rouges qui venait de quitter la pièce.
— Sa main ne tremblera pas. Ce fol ira
jusqu’au bout de son destin.
L’ambassadeur demanda d’une voix froide :
— A-t-il un nom ?
— Ravaillac !…
Pendant ce temps, à
quelques lieues de là, venait à cheval l’amiral de Nissac en compagnie de la
comtesse Isabelle son épouse, de Valenty, Sousseyrac et du seigneur Yasatsuna.
Ils se rendaient à Paris, arrivant de l’île d’Aix.
Paris où se devait jouer le dernier acte, non sans grandes surprises, de cette
aventure.
À étapes moins rapides, et ayant revêtu tenues
trompeuses d’un régiment de Bretagne qui n’existait point, allait l’équipage du Dragon Vert, moins dix hommes commis à sa garde en le port de Rouen où fut
son chantier d’origine.
Ils se trouvaient sous les ordres de Paray des
Ormeaux, Fey des Étangs, le lieutenant d’Orville, ami de l’Église, et d’une
douzaine d’autres officiers.
Nissac ne se sentait point en paix de l’esprit,
n’étant pas certain, en ces complots et contre-complots qui tous se mêlaient
les uns les autres, de bien comprendre la totalité des choses.
Une seule, hors la menace d’assassinat sur la
personne du roi semblait acquise : on courait à la guerre qui sans doute
serait la plus grande en le siècle.
Le roi lui avait ainsi révélé événement passé
inaperçu des peuples, mais point des chancelleries d’Europe. En effet, un an
auparavant, le vingt-cinq de mars 1609, était mort Jean-Guillaume de Clèves et
au fil des mois s’envenimait la question de sa succession en les duchés de
Clèves, Berg et Juliers qui occupaient situation unique, se trouvant être
carrefour entre l’évêché de Liège, les Pays-Bas espagnols et les
Provinces-Unies.
Aussitôt, prétentions s’étaient fait jour en
Europe et, pour contrarier les Habsbourg, Henri quatrième avait aussitôt
soutenu prétendants différents, et au reste beaucoup plus légitimes : le
marquis Jean Sigismond, Margrave de Brandebourg, et Philippe-Louis, comte
Paladin du Neubourg, tous deux, à la grande colère de l’Espagne, de la religion
réformée.
L’Espagne ne voulait
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