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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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Étangs secoua la tête.
    — Certes, et la chose est désagréable. Mais
on peut y remédier avec préparation que donnaient nos nourrices contre le mal
de dents.
    — Je ne me souviens guère des années où
je fus nouveau-né, Des Étangs.
    — Vous m’étonnez, Sousseyrac !… Les
nourrices frottaient nos gencives avec un doigt trempé en une pâte où se
trouvaient cervelle de vipère et de porc, miel et lait de chienne. C’est d’un
meilleur effet que le poisson pourri.
    Sousseyrac, tout en écoutant, se dirigeait
vers la dunette, entraînant son ami qui ajouta :
    — En outre, l’odeur de la bouche n’est
point tout, Sousseyrac, je vous l’ai dit mille fois déjà. Un bon amant prépare
une femme à l’amour, se montre attentif et attentionné. La musique ne suffit
point…
    C’était faire allusion à vieille habitude de
monsieur de Sousseyrac qui, aux escales, se faisait chercher à bord par trois
violons qui le précédaient en la ville. Au retour, les violons se trouvaient
toujours à précéder Sousseyrac mais les uns et les autres, ayant fort bu, marchaient
en moins fière allure et d’un pas franchement plus incertain.
    Ils débouchèrent sur la dunette et saluèrent
le vice-amiral qui répondit d’un signe de tête. Pourtant, les deux barons ne
renonçaient point à leur conversation.
    Ainsi Sousseyrac :
    — La musique alanguit les belles, mais il
est d’autres moyens… L’une m’a dit, à Chypre, que pour se faire aimer d’une
femme, il faut lui faire boire eau en laquelle ont trempé l’os d’un mort et des
mouches cantharides pulvérisées.
    Nissac intervint en souriant :
    — Ne cherchez point plus avant, baron :
si elle boit cette horreur, c’est qu’en effet elle vous aime !
    Flatté d’intéresser le comte de Nissac, Sousseyrac
ajouta :
    — À Syracuse, une autre me confia que
pour se faire adorer, il suffit de porter sur soi rognures d’ongles de l’aimée.
Qu’en pensez-vous, monsieur l’amiral ?
    — J’en pense, monsieur, que c’est pousser
jusqu’au sublime les preuves d’amour !
    Le second, Paray des Ormeaux, intervint à son
tour :
    — En ces remèdes étranges, qui courent
les ports et les campagnes, il faut se méfier de ne rien oublier de la
préparation. Je me souviens du commandant d’une galère, un certain comte Hasso,
qui combattait la rougeur des yeux en avalant une eau distillée avec merde d’homme
où l’on ajoute camphre, pour qu’elle ne pue point. Mais en la traversée, il fut
rapidement à court de camphre si bien que lorsqu’il fut tué par les Espagnols, on
ne regretta pas cet imbécile, tant ce fétide mangeur de merde distillée était
devenu peu fréquentable.
    Déjà, le vice-amiral n’écoutait plus. Son
regard se perdit en les hautes mâtures où deux marins déployaient le hunier
avec grande habileté. Il reconnut aisément Cornélius Van der Linden et Peter
Van Kappel, deux Hollandais d’Amsterdam parmi les meilleurs marins qu’on vit
jamais sur mer. Cependant, ils faisaient hamac commun, se protégeaient
furieusement l’un l’autre en les combats d’abordage et on les surprit plus d’une
fois à échanger baiser d’amour et caresses si bien qu’objets de dérision en
tous les ports d’Europe, nul capitaine ne les voulait à son bord.
    Sauf Nissac.
    Tout d’abord, il pensait que les amours des
autres n’étaient point son affaire et que la liberté de chacun devait être
respectée en ces choses. C’était là la part du cœur de Nissac. Mais il existait
aussi part de calcul consistant à ne se point priver d’aussi remarquables
marins en raison qu’ils préféraient étreintes viriles à pâmoison féminine. Si
bien qu’il avait interdit avec extrême fermeté à l’équipage que Van Kappel et
Van der Linden fussent sujets à moquerie.
    Depuis, les deux jeunes Hollandais vouaient au
vice-amiral reconnaissance, admiration et amitié et se seraient fait tuer pour
lui sans la moindre hésitation, pourvu qu’ils meurent ensemble et que l’un ne
survive pas à l’autre.
    La nuit allait
tomber.
    Cachés l’un à côté de l’autre – proches à se
toucher – derrière le cabestan du pont supérieur, la duchesse Inès de Medina
Sidonia et le seigneur Yasatsuna attendaient le même événement, comme chaque
soir.
    Ils ne s’étaient jamais parlé. À peine
regardés. Ils ne partageaient qu’une chose, en la vie : image volée de
monsieur de Nissac saluant la lune.
    Pour le seigneur

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