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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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Yasatsuna, qui luttait contre
grande nostalgie, ce spectacle, sans qu’il en sût la raison, lui faisait songer
à son lointain pays mouillé de pluie quand la lune étincelante se levait sur
les rizières. Le geste du vice-amiral eût pu être accompli par un fils du
Soleil Levant et le seigneur Yasatsuna estimait que le comte de Nissac était
assez noble pour revêtir armure des samouraïs.
    La duchesse amoureuse, curieusement, ne se
trouvait point si éloignée des pensées du seigneur Yasatsuna. À ceci près qu’elle
remplaçait le mot « samouraï » par le mot « chevalier ». En
effet, le jeune femme pensait que, si en l’art maritime et celui de la guerre, le
comte de Nissac comptait grande avance sur les hommes de son temps, il relevait
par bien des choses d’une autre époque. Ainsi était-il intrépide jusqu’à la
folie en l’action, rêveur et enfermé en lui-même le reste du temps, ne
cherchant point à séduire, indifférent s’il déplaisait…
    Nissac monta sur la dunette. Il était apparu
tout soudainement, telles ces panthères noires aux yeux étranges dont le regard
semble fouiller votre âme pour y découvrir son ultime vérité.
    Il s’immobilisa devant la lune qu’il regarda
longuement, puis s’inclina bas en ôtant d’un geste large son beau chapeau à
plumes qui effleurèrent le pont tant le geste fut précis.
    La vision qu’on avait du gentilhomme semblait
se découper sur le fond d’argent de la lune et le duchesse se jura de faire
exécuter, sitôt en son palais d’Espagne, peinture représentant pareil spectacle.
    Mettant fin à son singulier hommage, le
vice-amiral se tenait droit, d’une raideur de statue. La duchesse n’ignorait
pas qu’il allait demeurer quelques instants ainsi, pensif, avant de redescendre.
Pareillement, elle connaissait en son cœur brusquement douloureux que demain, Le
Dragon Vert entrerait en le port de Barcelone et qu’elle ne verrait sans
doute jamais plus l’homme qu’elle aimait.
    Elle se redressa de derrière le cabestan et
déjà marchait vers la dunette lorsqu’une main légère se posa sur son avant-bras :
le seigneur Yasatsuna lui souriait.
    Il eut un geste large qui désignait les
milliers d’étoiles comme autant de grains de riz posés sur une somptueuse
étoffe bleue marine et murmura :
    — En amour comme en la guerre, l’audace
est la clef de la victoire.
    Elle lui sourit et posa à son tour sa main sur
celle du samouraï en répondant :
    — Merci, seigneur Yasatsuna !
    — Vous passez
ainsi votre vie sur la dunette d’un vaisseau de guerre ? demanda la
duchesse.
    — L’endroit n’étant pas sans dangers, on
y évite les courtisans !… répondit Nissac.
    — Mais alors vous ne prendrez donc femme,
n’aurez point d’enfants et laisserez disparaître le nom glorieux des Nissac ?
    Il jeta un regard fatigué à la duchesse et, en
cet instant, elle eut une folle envie de le serrer contre sa poitrine, passant
sa main en les cheveux du comte. Mais il n’en sut rien et répondit :
    — Il est difficile d’être un Nissac. Et
même d’être un homme.
    — Vous parlez ainsi, vous qui sautez le
premier sur le pont des navires ennemis, savez dérober le vent aux meilleurs
capitaines et ne vous trompez jamais.
    — Méfiez-vous de telles apparences, madame.
Ceci est le service d’un officier en mer. Gouverner sa propre vie est plus
difficile que commander un galion en les plus furieux combats.
    Elle le sentit désemparé, et en fut émue. Cependant,
se maîtrisant, elle poursuivit :
    — Mais on ne peut laisser le cœur en
telle solitude, tel abandon ?
    — Que vous répondre, madame ?… Le
cœur choisit-il vraiment d’être solitaire ?… Et que puis-je apporter aux
autres si ce n’est servir mon pays, me montrer économe de la vie de mes hommes
et éviter l’infamie et la peur d’une fin désolante aux barbaresques qui tombent
entre mes mains ?…
    — Mais en la vie, c’est folie de ne point
songer à soi et si ce n’est en tout premier, pour les natures généreuses dont
vous êtes, il faut réserver place au bonheur.
    — Cette vôtre résolution de trouver le
bonheur n’est point universelle, madame. Je préfère quant à moi trouver un sens
à la vie.
    — Dieu y a pourvu !… répondit la
duchesse.
    Le ton du vice-amiral se fit ironique :
    — Dieu est occupé ailleurs souvente fois,
moi de même : nos rencontres sont donc des plus rares.
    — Alors songez à

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