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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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bouche
bée, confit d’admiration devant esprit si savant, si ingénieux et inventif que
celui de monsieur de Nissac qui prévoyait, en la froideur de sa solitude, si
implacable manœuvre que « le hanneton ».
    Le jeune et brillant officier, qui serait
grand marin sous Louis treizième et Richelieu mais sans jamais approcher le
génie de Nissac, ne pouvait point savoir comment cette figure guerrière, beaucoup
trop complexe pour survivre à son créateur, avait germé en l’esprit de celui-ci.
    Il n’y faut voir, pourtant, rien qui fût
surnaturel, ni don de Dieu, ni pacte avec le diable.
    Nissac avait onze ans et se trouvait près du
château familial de Saint-Vaast-La-Hougue. C’était par une étouffante journée d’août
où il cherchait l’ombre d’une haie. Un hanneton, gavé de soleil, cogna avec un
bruit sec contre branche basse de frêne et s’abattit sur le sol. Pour son
malheur, l’insecte aux ailes froissées était tombé à moins d’une demi-toise d’une
fourmilière et il fut bientôt cerné de toutes parts.
    Le petit Nissac regardait la scène avec de
grands yeux, prêt à soustraire l’insecte à la foule médiocre des fourmis quand
hanneton, jouant de son poids supérieur et de son envergure, tourna follement
sur lui-même, écrasant fourmis ou les envoyant au diable. Puis, ses ailes
reposées, il prit son envol et s’échappa en le soir d’été tout parfumé de l’odeur
des mûres et teinté d’une douce lumière violette.
    Et nul, hormis ceux qui liront ces lignes, ne
sut jamais d’où venait cette figure maritime appelée « le hanneton »
dont on douta, un siècle plus tard, qu’elle fût possible et eût jamais existé.
    Le Dragon Vert, tournant
donc en « hanneton » en faisant feu précis et meurtrier de tous ses
canons à la cadence que bien l’on imagine, disloqua le barbaresque dès la
cinquième salve.
    Et bientôt, il n’en resta rien que trois
survivants mais le vice-amiral veilla qu’on ne les achève point et les dépose
vivants sur les rivages d’Afrique afin qu’ils portent au monde histoire de ce
pavillon à fleurs de lys qu’on n’amène point et qui flotte haut en les ciels d’azur.
    Victorieux, Le
Dragon Vert le fut encore en plusieurs combats contre les barbaresques qu’il
attaqua en battant pavillon tantôt espagnol, tantôt anglais, pour dissimuler
que les mers du Ponant n’étaient point sa place. Mais il ne se priva pas de
livrer bataille, emplissant ses cales de butins capturés au nom du roi de
France.
    Puis, équipage épuisé et navire éprouvé, le fier
galion doubla Gibraltar et mit le cap sur Toulon. Cependant, dernière péripétie
attendait Le Dragon Vert au large du port de La Linea de la Concepción.
    Prévenu de la présence de six galions
espagnols agressifs par navire ami appartenant à nos alliés de la flotte turque,
monsieur de Nissac ordonna qu’on se tînt aux postes de combat.
    Car les choses avaient changé, et très
rapidement, depuis les journées glorieuses de Barcelone où femmes se pâmaient
et rues se trouvaient jonchées de pétales de fleurs sous les pas des vainqueurs
français du Dragon Vert.
    Par message confidentiel, et sur ordre direct
d’Henri quatrième, l’Amirauté prévint qu’on eût à se tenir prêt avec l’Espagnol,
et n’hésitât point, en manière d’avertissement, à lui montrer les dents sans
pour autant dépasser la simple provocation ni offrir motif à plainte officielle.
    Or donc, après la délivrance du message de
notre allié turc, tout se prêtait à combler les vœux royaux en leur stricte
application, dosée subtilement, qui humilie sans offrir motif à déclaration de
guerre.
    Le soir tombait. C’était déjà presque le
crépuscule en la mer du Levant.
    En file, les six puissants vaisseaux de la
flotte espagnole gagnaient Gibraltar, équipages somnolents et officiers rêveurs.
    Cela dura peu…
    Ayant habilement pris le vent, Le Dragon
Vert hissa le drapeau noir à la place des fleurs de lys. Puis, sur le fond
pourpre du soleil couchant, il remonta à grande vitesse toute la ligne ennemie
et fit feu sans interruption, salve sur salve, mutilant les fleurons de la flotte
de Philippe III, et tout spécialement le navire amiral.
    Enfin, tandis que les cloches d’alarme
tintaient bien vainement sur les pont dévastés des navires espagnols, Le
Dragon Vert, ombre imprécise mais menaçante, se coucha sous le vent
favorable en la direction d’Alger, afin que les pistes fussent

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