Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
enfants nés à Westwald et à Ardennen vont séjourner pendant près de six mois. Au foyer, les quelques mères présentes peuvent s’occuper de leur bébé, se promener avec lui. Les autres petits, ceux qui ont été abandonnés ou que l’on a embarqués de force, sont regroupés dans la « salle des nourrissons ». Les infirmières leur apportent des soins réguliers – ils sont par exemple changés six fois par jour –, mais l’attention individuelle et le lien affectif sont accessoires. Il suffit de bien nourrir ces éléments « biologiquement valables » pour que leur croissance soit assurée. Quelques nurses se prennent sûrement d’affection pour Ingrid ou Alfred. Mais, dans le meilleur des cas, les petits ne pourront être confiés à une mère adoptive que dans de longs mois. En attendant, leur germanisation, certes passive, a déjà commencé : ils n’entendent plus parler que l’allemand.
Le 13 novembre 1944, le général Ebner écrit à un ami, l’Obergruppenführer (général) de la SS et de la police Erwin Rösener, qui sera plus tard jugé comme criminel de guerre et exécuté : « Malheureusement, nous avons dû quitter nos foyers en Hollande, Belgique, Luxembourg et France. Espérons que reviendra bientôt le temps où nous pourrons y retourner. Nous sommes tous profondément émus par la proclamation du Führer hier et nous regardons l’avenir avec une confiance renouvelée. » La veille, Hitler a reçu le serment de masse des volontaires du Volksturm : le peuple tout entier est censé prendre les armes pour défendre le Reich.
Le 16 décembre suivant, le Führer lance sa dernière grande offensive à l’ouest, dans les Ardennes. Il neige, il gèle en permanence. Au terme d’un mois et demi de combats terribles, au début de février 1945, les divisions blindées allemandes sont repoussées à leur point de départ. Les troupes américaines et britanniques, entrant en territoire allemand, parviennent sur les rives de la Roer, vingt kilomètres au-delà d’Aix-la-Chapelle. Au sud, les Français ont repris Colmar. Le Rhin est menacé. Sur le front de l’est, la situation est catastrophique. Varsovie a été abandonnée aux flammes, l’Armée rouge a libéré Auschwitz, le 27 janvier. Dans la région de Wroclaw, des centaines de milliers de civils allemands refluent dans la panique. En Poméranie, le foyer du Lebensborn de Bad Polzin, est évacué en toute hâte. C’est ainsi qu’en février, une douzaine de gamins d’origine polonaise échoue aussi à Wiesbaden, accompagnés de quelques infirmières. Ils ont traversé toute l’Allemagne en train.
La suite est encore plus chaotique. La maternité de Wiesbaden fermera à son tour, à la fin du mois de février 1945. C’est maintenant une cinquantaine d’enfants qui sont transférés en train jusqu’au village de Schalkhausen, à 250 kilomètres au sud-est, dans la région de Nuremberg. Là, le Lebensborn a ouvert ses deux derniers foyers, à l’été 1944 : Franken (Franconie) I et II . Ces deux Heim étaient destinés à élever des bébés provenant de différentes maternités. Ils vont désormais servir de lieu de transit pour les enfants trimbalés d’un bout à l’autre du Reich qui s’effondre. Le 1 er février 1945, avant l’arrivée des fuyards de Wiesbaden, le lieutenant SS Tiesel, directeur des foyers Franken , reçoit un télégramme : « Dans les tout prochains jours, 12 enfants et deux aides-soignantes vont arriver d’Oranienburg. […] Je vous prie de veiller à leur accueil au foyer Franken I . » Le message est envoyé par Günther Tesch, le responsable du service juridique du Lebensborn . L’auteur du télégramme et la provenance des réfugiés à de quoi intriguer. Oranienburg, au nord de Berlin, abrite un camp de concentration qui sera libéré par les Soviétiques quelques semaines plus tard. C’est là que la SS avait installé, depuis les années 1930, son service « d’inspection » des gardiens de camps. Un véritable centre d’apprentissage des techniques appliquées à l’esclavage et à la mort de masse. Alors, qui sont les douze enfants d’Oranienburg ? Peut-être des bambins « racialement valables », soustraits au dernier moment à la machine létale nazie… L’intervention de Günther Tesch, le brillant juriste, l’homme qui a créé l’état civil secret, organisé la falsification d’identité des enfants enlevés en Pologne puis garanti l’origine
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