Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
de Gisela Magula – Gisèle Niango –, il est écrit : « La mère est hongroise, après avoir fui le Heim , elle ne s’est plus préoccupée de l’enfant. » Concernant Hans Georg, alias Georges, il semble que « la mère, une Flamande, apporta l’enfant âgé de quatre semaines au Heim Lebensborn de Wégimont. Elle l’a confié en vue d’une libre adoption ». Il apparaît également que les mères de Songard B. et d’Alfred L., toutes deux belges, ont travaillé jusqu’en 1945, à Hildesheim, ville à 30 kilomètres de Hanovre, dans le Nord de l’Allemagne… Que faisaient-elles là-bas ? Aucune précision. Mais, apparemment, elles se « préoccupaient beaucoup de l’état de santé de leur enfant ».
Ces documents comportent aussi des erreurs. Par exemple, il y est mentionné que la mère de Walter Beausert est « française, étudiante en médecine. Elle a donné l’enfant pour une adoption libre et entière ». Or, nous savons déjà que Rita était belge, travaillait comme femme de service au château de Wégimont et qu’on lui a arraché le petit Walter des mains, le 1 er septembre 1944…
Venons-en maintenant aux autres pensionnaires du couvent d’Indersdorf, ceux qui ne sont pas issus du Lebensborn . Ces enfants et adolescents appartiennent à deux grandes catégories.
La première est celle des enfants de travailleurs forcés qui ont été affectés dans les fermes et usines de la région, depuis le début de la guerre. Ils ont entre quelques mois et 16 ans. Sur un document que m’a remis l’écrivaine Anna Andlauer, qui m’a fait visiter le couvent en février 2011, le nom de chacun de ces enfants est relié à celui de ses parents. Nikolai H., né le 1 er janvier 1945 est le fils de Maria H., ukrainienne et de Wladimir X, russe. Tadeusz J., né le 25 janvier 1929, est le fils de Josefa S., polonaise, et de Johann J., polonais, décédé. Nombre de ces parents, travailleurs slaves, autrement dit esclaves, sont morts d’éreintement, de maladie, de mauvais traitements, d’une balle dans la tête pour un oui, pour un non.
La seconde catégorie de réfugiés au couvent est constituée d’environ 70 jeunes gens juifs. Ce sont des survivants. Ils reviennent des camps, majoritairement de celui de Flossenbürg. Ils ont au moins douze ans. Aucun de leurs compagnons plus jeunes n’a survécu.
Ouvert en 1938, le Konzentrationlager de Flossenbürg, tout près de l’ancienne frontière avec la Bohème tchèque, a vu défiler plus de 110 000 prisonniers ; 73 000 n’en sont jamais ressortis. Le 20 avril 1945, à l’approche des Américains, les SS font évacuer le camp. 14 000 détenus sont entraînés dans une « marche de la mort », vers le sud de la Bavière. Quand les G.I. les rattrapent, au moins 6 000 d’entre eux sont morts d’épuisement ou tués par les SS. Voilà d’où reviennent Nathan, Avram, Halina, Mosche, Sinaida et quelques dizaines d’autres jeunes rescapés.
À l’été 1945, le couvent d’Indersdorf devient la Babel des enfants perdus. C’est l’unique lieu au monde où de jeunes juifs survivants de l’extermination vont côtoyer non seulement des enfants de travailleurs slaves – une « race » que les nazis voulaient exploiter jusqu’à ce que mort s’ensuive –, mais aussi des bébés « purs aryens », programmés pour régner sur l’empire SS jusqu’à la fin des temps.
Aujourd’hui, il subsiste 127 photos de cette cohabitation improbable. Elles sont conservées au musée du mémorial des États-Unis sur l’Holocauste (USHMM), à Washington. C’est une nièce de Greta Fischer qui en a fait don en 1992. Ces images en noir et blanc constituent un témoignage sobre sur le petit miracle qui va s’opérer au couvent : ramener à la vie ces bébés, ces gosses et ces jeunes gens. Et, plus difficile encore, les rattacher à la communauté des hommes qui, jusqu’à présent, s’est acharnée sur eux et leurs proches.
Greta Fischer est très présente sur les photos, toujours en uniforme de la 3 e armée américaine. On la voit descendre un escalier, tenant deux bambins par la main et suivie par trois autres. Ou bien coucher un bébé rieur dans un lit-cage. Le plus souvent, elle s’occupe d’un groupe d’enfants ou sollicite leur attention. Sur quelques photographies, on peut reconnaître un visage poupin. Comme celui de Walter Beausert, un blondinet blessé à l’œil qui fixe le photographe. Il a environ deux
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