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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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troubadour
_________________________ Mai 1207
    « Oyez, oyez, braves gens ! Ceci est l’histoire
    de ma vie, elle vient de nulle part, de partout où
    le soleil luit. Une histoire, c’est comme une
    fleur : elle naît, elle vit et elle meurt… »
    ESCARTILLE DE PUIVERT,
    Chanson albigeoise, « le Livre de Vie ».
    L’amour !
    Allons, bois, Escartille ! Bois encore :
tu vas en avoir besoin.
    En ce début du XIII e siècle vivait
un jeune troubadour qui se prénommait Escartille. Escartille avait à peine
vingt ans et logeait au château de Puivert, ce château à la pierre blonde et
lumineuse, qui dresse ses murailles au-dessus du plateau de Sault et du
Quercorb. Puivert était alors le centre des arts et de la galanterie. Escartille
y vivait au milieu des dames et des musiciens. Les fêtes s’y succédaient au
rythme des saisons. Les seigneurs du château, placés sous la tutelle du
suzerain Bernard du Congost, accordaient l’hospitalité à tous les chevaliers et
poètes de passage. Ils formaient la plus belle cour d’amour d’Occitanie qui, à
cette époque, était presque aussi vaste que le royaume de France. Parangon d’une
civilisation florissante, Puivert était une permanente terre de conquête, un
paradis pour ces amants d’autrefois.
    Depuis qu’il était né, dans un village du nom
de Lavelanet, Escartille n’avait cessé de sillonner les cours de Provence, du
Limousin et du Languedoc ; il avait traversé les comtés de Foix, de
Toulouse et la vicomté des Trencavel. C’était là, entouré des accents
rocailleux de la région, au milieu de ces paysages inondés de soleil, qu’il
développait son art, protégé par les seigneurs du lieu qui avaient pour
habitude d’accueillir à bras ouverts ce troubadour peu commun. Lointain
disciple de Guillaume de Poitiers et de Chrétien de Troyes, chantre de la fine amor et de la courtoisie, Escartille savait, de sa voix chantante, illuminer
les riches heures de l’aristocratie occitane. Fils de rien, ce jeune homme aux
cheveux longs, à l’œil insolent, aussi téméraire en amour qu’il était couard
pour tout le reste, séduisait par sa truculence, son sens de la formule et ses
rires haut perchés. Depuis quelque temps, il songeait à quitter son pays
occitan pour rejoindre l’Espagne ; mais il s’était réfugié finalement à
Puivert, d’où il comptait partir bientôt vers une destination qu’il ignorait
encore. Tel était le brave Escartille : il allait où ses caprices le
portaient, pour peu qu’il trouve des mignonnes aux hanches larges et quelques
seigneurs au solide caractère, susceptibles de lui assurer sérénité et
protection.
    Escartille, à vrai dire, ne vouait sa vie qu’à
une chose : le service de ces dames – de la Dame. Qui n’a pas connu les
femmes occitanes n’imagine guère l’obsession qu’elles pouvaient faire naître
dans le cœur des hommes : mais c’étaient elles, la fine fleur de l’Occitanie !
Ces élégantes et leurs riches surcots, apprêtées jusqu’aux ongles, revêtues de
leurs capes ondoyantes, de gonnelles, de garnaches, de bracelets, de fourrures
d’écureuil et de cendal, jusqu’à vous faire tourner la tête ! Bourgeoises
ou châtelaines, rangées en groupes comme pour la bataille, n’attendaient que de
présenter leurs seins aux regards. Chaque matin, elles se lavaient, se
fardaient, se peignaient, en présence de leur époux et parfois, des écuyers et
des amis de la famille. Dès la toilette, c’était l’invasion. Les galants se
pressaient autour d’elles. Entre deux pâmoisons, guettant les bras dans
lesquels elles pourraient tomber, les coquines continuaient de tamponner leurs
pommettes de rouge ou de safran, soulignaient leurs yeux d’un trait brillant. Et
lorsqu’elles sortaient en pleine lumière, oh là !… La femme
occitane, celle de tous les poèmes et de tous les chants ! Elle était
fougueuse, irrésistible ! Un second soleil au plus haut du firmament !
    Ainsi, Escartille chantait sans cesse les
dépossessions de son cœur. Il ne suivait qu’une seule loi, héritée de ses pairs :
celle de la cortezia. Il fallait être prêt à admettre tous les caprices
de l’adorée. Tel était le prix des passions souveraines. D’amor mou castitaz ! disait-on à Toulouse : d’amour vient chasteté. Certaines faisaient
languir leurs prétendants, assignant à leur vertu l’ordre de ne pas céder, et
laissant à leurs sigisbées le soin d’accomplir les

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