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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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de l’Église cathare. Esclarmonde était la
sœur de Raymond-Roger, comte de Foix. Veuve de son mari, Guillaume de L’Isle-Jourdain,
depuis le début du siècle, elle s’était engagée dans la défense de la foi
cathare. Elle avait reçu le consolament de Guilhabert de Castres
lui-même, avant de s’installer à Pamiers. C’était là qu’Escartille l’avait
rencontrée. On disait que son prénom signifiait éclaire le monde  : en
tout cas, elle avait éclairé le sien. Ne te retourne pas, ne te retourne
plus, Escartille de Puivert, lui avait-elle dit. Tu vis encore, tu vis
malgré toutes les épreuves que tu as traversées ; c’est donc que ni ta
quête, ni ta mission d’esprit et de charité en ce monde ne sont achevées. Prends
le bâton et sois digne de cette chance qui te reste. Et Escartille, après
avoir vu tous les renoncements que ce choix impliquerait, s’était décidé à l’écouter.
Renoncements – mais à quoi renonçait-il, au fond, lui qui déjà se trouvait
dépouillé de tout, comme ces faidits qui avaient combattu avec lui dans
la plaine de Muret ? Esclarmonde avait alors confié son initiation à un
autre parfait, proche de Guilhabert de Castres, Sicard de Bellery, dont il
était devenu le socius, le fidèle adjoint. C’était avec lui qu’il se
tenait ce soir en haut de la montagne.
    — Il faut surtout que vous haïssiez ce
monde, ses œuvres et tout ce qui dépend de lui. Car saint Jean dit, dans l’Épître : Ô mes très chers, n’aimez pas le monde, ni les choses qui sont dans le monde.
Si quelqu’un aime le monde, la charité du Père n’est pas en lui. Car tout ce
qui est dans le monde est convoitise de la chair, convoitise des yeux, et
orgueil de la vie, laquelle n’est pas du Père, mais du monde ; et le monde
passera, ainsi que sa convoitise, mais celui qui respecte la volonté de Dieu
demeurera éternellement. Et le Christ dit aux nations : Le monde ne
peut vous haïr, mais il me hait, parce que je porte témoignage de lui, que ses
œuvres sont mauvaises.
    Le parfait continua quelques instants encore, puis
ce fut au tour d’Escartille.
    — Priez Dieu pour moi afin qu’il me donne
la force de suivre ces préceptes.
    Il fit son melhorament, selon le rituel,
et reprit :
    — Pardonnez-moi. Bon Chrétien, je vous
supplie pour l’amour de Dieu de m’accorder ce bien que Dieu vous a donné. Je
demande pardon à Dieu, à l’Église et à vous pour les péchés que j’ai pu
commettre, ou dire, ou penser, ou faire.
    — Par Dieu et par nous et par l’Église, qu’ils
vous soient pardonnés.
    Ce fut à cet instant qu’Escartille fut consolé.
L’Ancien prit les Évangiles et les posa sur son front ; puis il invita Escartille
à mettre la main sur le Livre avant de prononcer avec lui :
    — Bénissez-nous, pardonnez-nous.
    Il était singulier de voir ces deux hommes, seuls
et en fuite, au sommet de leur colline et au milieu de ces ruines, qui
répétaient ensemble les paroles de leur rituel, sans autre spectateur que ce
ciel nocturne vers lequel ils semblaient se tourner.
    — Père saint, accueille ton serviteur
dans ta justice, et mets ta grâce et ton Esprit saint sur lui, dit le parfait.
    Ils prièrent ensemble, murmurant la sixaine, puis
l’ Adoremus, pour la deuxième fois.
    Enfin, les deux hommes embrassèrent le Livre.
    Escartille revêtit sa robe noire. D’un
mouvement sec, il serra la cordelette de sa ceinture. Un étui de cuir se
trouvait à son flanc ; il y enfila la Bible que lui tendait le parfait. Il
passa sa besace par-dessus son épaule. À quelques pas de l’endroit où il se
trouvait, ils avaient allumé un feu. Escartille y jeta ses vieux vêtements, sales
et déchirés, et les regarda brûler de longs instants. Puis il se tourna vers l’une
des extrémités de la colline, d’où jaillissait une langue rocheuse aux contours
déchiquetés. Il s’avança, plantant au sol son noueux bâton de bois, avant de
revêtir son capuchon. Au sommet de la roche, il regarda autour de lui. Le vent
sifflait à ses oreilles, son manteau noir s’agitait avec lui. L’Occitanie, ce
soir-là, semblait à ses pieds ; les champs disparaissaient peu à peu dans
l’obscurité. Le pays, immense, était rappelé à l’ombre. Cette ombre avait un
nom : l’Église catholique. Escartille était devenu parfait cathare : on
l’appellerait désormais fils de Satan ou pauvre du Christ ; il serait
châtié ou adoré. Il se souvint de ces mots qui

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