Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
Vom Netzwerk:
qu’Escartille
avait tant baisée, tant mordue, était ouverte sur le néant. Son corps tout
entier était étendu de façon curieuse, à moitié sur la couche qui se trouvait
derrière elle, les bras en croix, et les jambes écartées par-devant, l’une d’elles
décrivant un angle bizarre. Son éventail sévillan gisait abandonné, tout près d’elle.
    Elle s’appelait
Loba, la Louve, c’était une noble dame que son père, seigneur aragonais, menait
par le comté de Foix et de Toulouse. Une peau moirée, privilège des femmes du
Sud ; une chevelure brune et bouclée qu’elle coiffait avec un soin extrême ;
un fard discret, qui accentuait la délicatesse de ses traits ; des seins
comme ces fruits de l’Alhambra de Grenade. Et son regard… Oh, ce regard ! Escartille
y voyait les étoiles et la noirceur de la nuit ; elle le dissimulait
derrière un éventail sévillan, dont l’indolence faisait chavirer le jeune
troubadour.
    Escartille tomba à genoux.
    Il entendait encore les cris des hommes de
Montfort et d’Aguilah, dans le lointain.
    Louve, Louve d’Aragon, Louve des jardins de
Puivert, Louve de ses rêves d’amour éperdu ! Louve la mère de son enfant, Louve,
ce songe espagnol, ce mot qu’il prononçait mille fois chaque jour ! Louve
n’était plus !
    Elle sortait de l’intérieur
du château, encadrée de ses servantes. Elle apparut sublime. Elle était
recoiffée et revêtue de la plus superbe de ses robes, dont les volutes
dansaient autour d’elle. Des broches d’or enserraient sa chevelure. Une
mantille recouvrait ses épaules, dont les pans s’écartaient doucement à mesure
de sa marche. Le fard cachait mal sa pâleur et le désarroi que l’on pouvait
lire sur son visage. Sa blessure s’y peignait à présent de telle façon qu’Escartille
la prenait lui-même en plein cœur. Était-ce là le résultat de son désir égoïste ?
Comment le troubadour avait-il pu la condamner ainsi à cette humiliation ?
Ses yeux étaient rougis de larmes. Elle jouait de son éventail. Elle était
devenue l’emblème du péché et du mensonge. Devant Puivert, ce château pourtant
habitué à tous les élans de la fine amor, à toutes les malices et toutes les
trahisons !
    Escartille se coucha sur le corps de sa
belle, les bras en croix. Un hurlement indescriptible jaillit de sa poitrine, le
hurlement d’une bête traquée, blessée à tout jamais.
    Louve, Léonie, la servante, Don Antonio – le
roi !
    Alors tout est fini, pensa-t-il.
    — Louve !
    Un flot de larmes roula sur ses joues.
    Tout est fini.
    Louve avançait
toujours. Elle plissa les yeux sous ses cils noirs en voyant devant elle un peu
d’agitation. Elle aperçut l’enfant juché par-dessus la tête des soldats, mais
ne le reconnut pas tout de suite. Un sentiment singulier pénétra alors son âme.
Elle saisit fébrilement le poignet d’Inès, qui marchait à côté d’elle, comme
autrefois à Puivert, lorsqu’elle ne la quittait pas, dans les allées, au milieu
des parterres. « Mon Dieu, serait-ce, serait-ce… » Elle accéléra le
pas, et d’un coup sec, son autre main déploya son éventail sévillan, où l’on
retrouvait les roses entrelacées de la maison de Bigorre. Son cœur trembla d’émotion.
    Et elle le vit à son tour. Le troubadour de
Puivert, qui souriait, leur enfant dressé au-dessus de lui !
    — Inès ! Par le Seigneur Tout-Puissant,
ils sont là !
    Escartille entendit alors des pleurs, non
loin de lui.
    Il contourna la couche et ses draps
ensanglantés, trébucha, se releva.
    Il ne vit qu’une partie du linge, en boule, sur
le sol. Il le souleva.
    C’était Aimery qui, lui aussi, semblait hurler
à la mort. Escartille le serra dans ses bras de toutes ses forces, le visage
inondé de larmes.
    Et la nuit, noire, profonde, tomba tout à
fait.
    Si un croyant doit être
consolé sur-le-champ, il faut, s’il le peut, qu’il fasse son melhorament et qu’il prenne le livre de la main de l’Ancien. Celui-ci doit l’admonester et
le prêcher avec des arguments appropriés et avec toutes les paroles qui
conviennent au consolament.
    —  Sieur Escartille
de Puivert, vous voulez recevoir le baptême spirituel qui, dans notre Église de
Dieu, délivre le Saint-Esprit par la sainte oraison et l’imposition des mains
des Bons Hommes. Évoquant ce baptême devant ses disciples, Notre-Seigneur
Jésus-Christ dit, dans l’Évangile de saint Matthieu : Allez et
instruisez toutes les nations,

Weitere Kostenlose Bücher