L'Église de Satan
étaient nés dans son esprit, lorsqu’il
était penché sur le cadavre de Loba : Tout est fini.
Il revit aussi le visage de Louve, couchée à
ses côtés dans le palais toulousain, un rayon de lune éclairant son front, ses
yeux brillants tournés vers lui.
Soyez hérétique, Escartille. Allez, et
défendez votre pays aux côtés de mon père.
Escartille inspira profondément.
C’est pour toi, Louve, pour toi que je
ferai cette guerre. Et je la ferai avec les plus belles armes du monde : avec
celles de la paix.
Tout est fini ?
Sa silhouette noire se découpait là-haut, au-dessus
du rocher.
En pensée, il rectifia :
Non. Tout ne fait que commencer.
SECONDE PARTIE
LE TRÉSOR DE MONTSÉGUR
11 Fiat lux ________________________ Août 2000
Lettre d’Antoine Desclaibes à Philippe Poussin
Paris, le 17 août2000.
« Je n’ai pas eu de
nouvelles de toi depuis ma dernière lettre, où je te faisais part de ma
perplexité devant les découvertes que nous avions faites : le mystère
entourant la destinée de l’abbé Saunière, l’énigme du trésor cathare, et ces
références insolites aux passages bibliques que je t’avais indiqués. LA PREUVE
EST ICI, disait le manuscrit. Philippe, bon Dieu ! Je sais maintenant ce
que cela veut dire, tu comprends ? Je sais ce que cela veut dire !
Je suis dans un état d’excitation que tu n’imagines
pas. Je n’ai pas dormi de la nuit, l’archiviste non plus. Nous n’avons soufflé
mot à personne de ce que nous venons de dévoiler. Il faut nous taire ! J’ai
désespérément cherché à te joindre, sans succès. Mais où es-tu ? Ne
parvenant à te retrouver, j’ai décidé une nouvelle fois de prendre ma plume ;
il me fallait t’écrire pour rassembler mes idées et parvenir à exprimer clairement
ce qui vient de m’arriver.
Philippe, attends-toi à l’incroyable ! J’ai
continué mon effort de traduction dans les conditions que je t’ai déjà
dépeintes. Mon ardeur, loin de s’émousser, augmentait de jour en jour, comme si
je pressentais que j’étais au bord de trouver encore quelque chose, tout près d’une
révélation vers laquelle mes recherches semblaient naturellement me porter. J’ai
alors constaté que le poème d’Escartille était vraisemblablement incomplet. Il
y a en tout cas une ellipse de trente ans ; la première partie du récit s’interrompt
brusquement, au lendemain de la bataille de Muret et de la mort de Louve. Comme
si, tout à coup, le troubadour, devenu cathare, n’avait plus écrit une ligne. Le
Livre de Vie n’avait-il plus de sens, dès lors que Louve n’était plus, que
son souffle n’animait plus les élans de son cœur, que seuls des tourbillons de
cendres envahissaient désormais son âme ? Toujours est-il qu’Escartille
semble n’avoir repris la plume que quelque temps avant le siège final de
Montségur. Qu’a-t-il fait durant toutes ces années qui séparent les combats de
Muret de l’année 1242, où il revient subitement sur ces trois décennies, dramatiques
pour la population occitane ? Je l’ignore. Il ne nous livre là que des
clés éparses, tu le verras dans ce que je t’envoie. Il a apparemment sillonné
inlassablement le pays, avant de trouver un refuge momentané dans les montagnes
pyrénéennes, en compagnie de son fils, qu’il a élevé seul, jusqu’à ce qu’Aimery
devienne lui-même un homme… Et c’est dans une situation plus terrible encore
que je les ai retrouvés. L’institution inquisitoriale a été créée. Pour eux, ou
plutôt contre eux, Philippe ! Voilà ce que l’on ignore trop souvent :
que l’acte de naissance de l’Inquisition a répondu à la volonté systématique de
détruire les cathares ! L’Inquisition, le gant de fer et de sang qui
transforma l’Occitanie en pays occupé ! Tu verras que les méthodes
employées, les réactions populaires, le déchirement des familles, tout cela n’a
rien à envier aux moments les plus sombres de notre XX e siècle. Nous
n’avons rien inventé : nous n’avons fait que raffiner les modèles
existants.
J’en étais là, lorsque l’archiviste m’apporta
un document tout à fait exceptionnel. Il s’agissait d’une lettre d’Innocent III,
rédigée sans doute peu de temps avant sa mort et adressée, sous le sceau de la
confidentialité, à l’évêque Aguilah de Quillan. Je sortis aussitôt de ma
torpeur. La missive était elle aussi répertoriée dans l’enfer de la Nationale, noyée
au milieu
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