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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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gendre.
Pierre-Roger, d’une solide corpulence, avait le crâne dégarni et une moustache
somptuaire au-dessus de ses lèvres. Chef de la garnison des soldats, bras armé
de Raymond de Péreille, il était lui-même l’un de ces faidits dépossédés
de leurs terres. Forneria, la mère de son parent Arnaud-Roger de Mirepoix, avait
été l’une des parfaites de Montségur à l’aube de la reconstruction du château, quarante
ans plus tôt. La fille de Forneria, Adalays, avait vécu elle aussi au couvent
des parfaites de Montségur et ses fils avaient compté parmi la garnison du pech.
    Bertrand Marty, Raymond de Péreille et
Raymond-Roger de Mirepoix faisaient maintenant face aux nouveaux arrivants. Le ductor n’eut pas à se présenter, mais ils s’enquirent très vite de l’identité
des trois personnes qui l’accompagnaient.
    — Je suis Escartille de Puivert, dit l’intéressé
en avançant d’un pas.
    — Escartille de Puivert… dit Bertrand
Marty, l’air songeur.
    Il caressa son menton fripé.
    — Ne seriez-vous pas ce parfait qui fut
autrefois troubadour, et approcha notre vaillant Raymond VI avant cette
bataille tragique de Muret ?
    Escartille acquiesça.
    — C’est moi, en effet.
    Le visage de Bertrand Marty s’éclaira.
    — Ah !… Oui. Esclarmonde de Foix m’a
parlé de vous, il y a bien longtemps. Et j’ai su tout ce que vous aviez fait
pour nous, durant ces années terribles… Vous êtes de ces hommes, au riche et
troublant destin, dont Montségur a besoin… Et celui-ci, je suppose qu’il s’agit
de votre fils…
    Bertrand Marty s’approcha d’Aimery, les mains
jointes.
    — Aimery, dit le jeune homme en se
présentant au parfait.
    Il s’agenouilla et fit son melhorament en même temps qu’Héloïse.
    — Voici un jeune homme à la stature
idéale pour aider à nos défenses.
    — Et cette belle jeune fille ? demanda
Raymond de Péreille.
    Ce fut cette fois le ductor de la
Confrérie qui parla :
    — Héloïse de Lavelanet, dit-il. Sa sœur, Aude,
était parfaite et réfugiée dans la forêt de Pamiers. Elle a été brûlée à
Toulouse sous les yeux d’Aguilah de Quillan. La vie est devenue insupportable, là-bas.
C’est une bonne croyante.
    Bertrand Marty tendit une main et la posa sous
le menton de la jeune fille, l’invitant à redresser le visage :
    — Dieu, que vous êtes belle, Héloïse de
Lavelanet. Et si jeune… Vous savez, j’imagine, qu’il est difficile de vivre à
Montségur. Pourquoi êtes-vous venue jusqu’ici, mon enfant ?
    Elle levait le visage vers lui ; elle
avait retrouvé ses couleurs. Les yeux étincelants, plissés sous ses longs cils,
elle ouvrit la bouche :
    — Ma sœur est morte sur le bûcher. Je
veux me battre pour la foi cathare, quoi qu’il m’en coûte.
    Bertrand la regarda encore quelques instants, puis
il dit :
    — Relevez-vous.
    Il recula de quelques pas. Faisant mine de
tourner les talons avec Raymond de Péreille et Raymond-Roger de Mirepoix, il
ajouta, les bras grands ouverts :
    — Eh bien ! Mes amis, mon père, bienvenue
à Montségur.
    Il restait encore une cabane inoccupée, sur
le flanc est du château. Elle était à moitié creusée dans le roc ; son
toit n’avait qu’un seul versant. Ce fut ici que l’on installa Escartille, Aimery
et Héloïse. À quelques pas du seuil, la falaise plongeait par quatre cents
mètres de vide, s’engouffrant dans les profondeurs de la nuit. Se penchant
au-dessus, Aimery leva le sourcil :
    — Voilà un doux logis duquel il ne faut
pas sortir après avoir bu trop de vin…
    Escartille posa son bâton et sa besace à l’intérieur
de la cabane, contre le mur. Il jeta avec Héloïse un coup d’œil circulaire dans
cette pièce unique. Une marmite, dans un renfoncement qui faisait office de
cheminée. Une écuelle brisée. Un coffre, une chandelle. Trois grabats et autant
de couvertures. Quelques instruments suspendus à des crochets, pour les repas. Des
tabourets et une table minuscule, au milieu de cet endroit qui ne faisait pas
vingt pieds de large. De la poussière, et un trou dans le toit. La cabane n’avait
aucune fenêtre.
    Héloïse toussa. Escartille se racla la gorge, passant
une main dans son cou.
    — Il va falloir arranger notre décoration,
dit-elle.
    Elle regarda Escartille.
    C’était bon, tout à coup, de la voir sourire.
    Au premier jour de mai 1242, près de
quatre cents personnes étaient entassées à Montségur. La vie de la communauté

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