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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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s’arrêta. Il tourna de nouveau la tête
vers son père. On eût dit soudain qu’elle était montée sur ressort.
    — Ah ? D’autres voies ? Mais
lesquelles ? Oui, je sais, père ! Je sais que notre religion nous
interdit de verser le sang, que même tuer pour se défendre est aussi grave que
tuer par malice, qu’il n’existe aucune circonstance atténuante à ce genre de
crime. Je sais que vous-même n’avez pris les armes qu’une seule fois, et que ce
fut pour assister à la plus grande tragédie de votre vie, et de la mienne !
Mais père, je suis né avec cette guerre ! Elle est en moi ! Je la porte en mon sein, comme une empreinte indélébile, un compagnon de chaque
jour ! Douteriez-vous de notre cause ? Est-ce cela qui vous manque
encore, malgré tout ce que vous avez fait ? Le courage de prendre et de reprendre
les armes, le prix du sang ? Expliquez-moi, comment pouvons-nous nous en
sortir, maintenant, sans nous salir les mains ?
    Escartille mit la main sur l’épaule de son
fils, qui s’écarta.
    — Et l’on nous dit que nous sommes voués
à tous les Enfers ! Mais non ! Père, il faut que je vous dise… J’aime
Héloïse, de toute mon âme, je l’aime ! Vous savez ce que cela veut dire, vous
que l’on a privé de cet amour, de votre seul rêve en cette vie ! Vous le
savez plus que quiconque, vous qui ne songiez qu’à chanter pour les dames de
Puivert ! Je l’ai découvert, je l’ai compris, ce sentiment s’est glissé en
mon cœur presque malgré moi, sans que j’y prête attention ; il est là
pourtant, il m’envahit tout entier et j’espère qu’il embrase son cœur comme le
mien ! Elle est, avec la sincérité et le respect de cet autre amour que j’éprouve
pour vous, ma seule raison de vivre. Et l’on nous dit que nous sommes damnés ?
Que Montségur est la Synagogue de Satan, l’abri d’une pauvre et misérable secte ?
Non ! Je ne suis pas un damné, un hérétique ! J’aime ! Je n’ai
cessé de vouloir le bien, suivant vos préceptes, suivant votre vie exemplaire !
    — Exemplaire ? Jamais je n’ai été
exemplaire, fils, crois-moi. Il est des choses que…
    — Qui jugera ? Qui, aujourd’hui, a
le droit de juger que nous ne sommes pas dignes du salut que tous, nous
espérons tant ? De ce salut, quel qu’il soit, d’une vie de l’âme après la
mort ? Qui peut s’arroger le droit de nous condamner, nous qui ne pensons
qu’à aimer ?
    — Sais-tu ce qui a déclenché cette guerre,
Aimery ? Elle est venue d’un homme qui, il y a de cela trente-quatre ans, a
tué Pierre de Castelnau, un légat du pape, alors que rien n’était joué dans ce
pays, que tout était encore possible ! Et ce soldat qui planta le pieu
dans le dos du légat, personne ne sut son identité, ni même si ce geste avait
vraiment été ordonné par le comte de Toulouse ! Pour un soldat inconnu, l’Occitanie
est tombée dans cette tragédie ! Pour un seul homme, sans que
personne y comprenne rien ! Et vous vous apprêtez à tuer trois, cinq, dix
inquisiteurs ! Cela risque de mettre en cause ce qu’il reste des cathares,
de nous condamner à tout jamais-et cela, je me demande si même Bertrand Marty
en est conscient ! J’ai l’impression d’être le seul à le deviner !
    Aimery regarda Escartille.
    — Mon cri est Liberté, père ! Cette
Liberté que la terre nous a refusée, et pour laquelle je donnerai tout ! C’est
un chevalier que vous avez devant vous. Un chevalier que jamais personne n’a
adoubé, un chevalier maudit. Mais un chevalier, et le meilleur entre tous, qui
jamais ne baissera les bras, quel qu’en soit le prix.
    — Et Héloïse ? Comment penses-tu qu’elle
prendra cela ?
    Ici, Aimery marqua un instant d’hésitation. Puis
il dit :
    — Elle comprendra. Comme le jour où ma
mère vous demanda de prendre les armes pour combattre aux côtés de l’Aragon, dans
la plaine de Muret.
    Il tourna les talons.
    — J’irai à Avignonet.
    Comme il était convenu, Aimery prit place
parmi le corps expéditionnaire qui partit vers la ville où se trouvaient les
inquisiteurs. Les hommes de Montségur descendirent par les falaises escarpées
du château ; ils chevauchèrent rapidement avant de rejoindre une autre
troupe de faidits, composée de Pierre de Mazerolles, Jordan du Vilar et
de sergents d’armes. Cette nuit-là, tout alla très vite. Un messager de Raymond
d’Alfaro, acquis à la cause hérétique, leur ouvrit en grand

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