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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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Bertrand Marty
saisit l’un des flacons et le lui donna.
    — Tenez, mon ami. Je sais que dans une
autre vie, vous avez été troubadour ; que vous aviez l’amour de la rime, du
texte et de la musique. Cette encre que vous avez sous les yeux a de bien
étranges propriétés : elle nous vient des confins de l’ancienne Byzance et
est invisible à l’œil nu. Elle n’apparaît que sous l’effet de circonstances
particulières, lorsqu’elle est soudain portée à la chaleur. Voici peut-être de
quoi écrire le plus beau et le plus sombre des poèmes ! Un poème invisible.
Un poème caché sous le vaste texte de la réalité, comme Dieu Lui-même.
    Escartille contempla le flacon un instant.
    Encore incrédule, il avait jusque-là gardé le
silence. Bertrand Marty posa de nouveau une main sur son bras. Il tremblait de
plus belle.
    — Et maintenant, mon ami, maintenant…
    L’évêque se dirigea vers un coffret, disposé
sur une table, entre deux muids de blé. Il l’ouvrit après avoir fait danser sa
clé d’or dans la serrure. Il s’agenouilla, baisa les parchemins, tantôt
déployés, tantôt enveloppés dans du velours rouge, sur lesquels se trouvait
posé le coffret. Enfin, il s’avança vers l’une des parois du mur. Alors, lentement,
il fit rouler une lourde pierre de taille et approcha le flambeau du trou ainsi
dévoilé.
    — Escartille de Puivert, vous allez voir
le plus fou, le plus effroyable des secrets que l’Histoire ait jamais cachés à
notre pauvre humanité.
    Escartille vit. Il lui fallut quelques
secondes pour comprendre. Puis son cerveau perçut enfin la mesure de ce qu’il
avait sous les yeux. Il vacilla, à mesure qu’il prenait la dimension de cette
révélation.
    Sur ses traits se peignit alors un masque d’horreur
absolue.
    Sur la montagne, Aimery continuait de
batailler.
    D’autres croisés arrivaient ; l’étroitesse
de la corniche leur interdisait de se présenter à plus de trois ou quatre sur
une même rangée. Mais la lutte était inégale, la proportion entre les soldats
de l’ost et les assiégés ne pouvait tourner qu’au désavantage de ces derniers. Aimery
tournoyait, bougeait avec agilité, rapidité et adresse ; son écu était
déjà moucheté, transpercé d’une dizaine de carreaux d’arbalète. Chaque instant
risquait de lui être fatal.
    Aimery leva les yeux et siffla.
    Là-haut, dans le ciel, le faucon plongea.
    Il piqua en tournoyant vers une nouvelle
rangée de croisés. Ses serres s’abattirent instantanément sur le visage de l’un
d’entre eux, qui poussa un hurlement tandis qu’un flot de sang jaillissait de
ses yeux crevés, de son front lacéré. Le faucon remonta vers le ciel, tournoya
de nouveau. Il redescendait ainsi à intervalles réguliers, sans que les
projectiles ennemis réussissent encore à l’atteindre, après avoir décrit dans
le ciel de nouveaux cercles concentriques. Il s’abattait, frappait du bec, ou
bien, un moment disparu, il jaillissait soudain de nulle part. L’un des croisés
recula de quelques pas sous l’assaut de l’animal. Empêtré dans sa cotte de
mailles, il donnait de l’épée dans le vide tandis que le faucon battait des
ailes à quelques centimètres de son visage. Aveuglé, il lui suffit d’un écart
imprudent pour trébucher et basculer dans le vide.
    Et le faucon reprit son envol.
    Durant quelques instants, les croisés
refluèrent.
    Aimery leva sa main gantée. Le faucon vint s’y
poser.
    Loin en contrebas, Hugues des Arcis avait
regagné le pavillon où se trouvait Aguilah de Quillan. Il aperçut, sur la
corniche, le profil d’Aimery, et de cet oiseau juché sur sa main. Le soleil
rougeoyait à présent. Une nouvelle pénombre commençait de s’abattre dans les
vallées. Des Arcis regarda les silhouettes de ce guerrier et du rapace, qui se
découpaient nettement auprès du château de Montségur…
    Puis le sénéchal royal de Carcassonne balaya d’un
revers de main les tentures de l’entrée du pavillon.
    Aguilah se trouvait là, assis dans un
fauteuil. Il paraissait plongé dans de profondes méditations. Priait-il ? Hugues
des Arcis n’aurait su le dire. Sa calotte sur le crâne, il était légèrement
penché en avant, les mains jointes sur son menton. Il était immobile et
paraissait fixer un point indéfini de l’espace. Le sénéchal s’avança vers lui. Des
Arcis était un homme vigoureux, de haute taille. Son capuchon de mailles
disciplinait une chevelure abondante. Croix

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