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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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brodée sur la poitrine, épée au
côté, le sénéchal planta un pied devant Aguilah, l’arrachant à ses pensées.
    — Ils se battent encore. Je ne sais
combien d’hommes demeurent encore à Montségur, mais ils en perdent toujours un
peu plus. Les faidits, les soldats, les écuyers sont vaillants. Longtemps,
j’ai douté que nous en viendrions à bout. Pierre Amiel, notre bien-aimé
archevêque de Narbonne, partageait mon scepticisme…
    Aguilah leva les yeux, sans bouger la tête, ni
le masque impassible de son visage.
    Il serra le poing. Un éclair courut sur les
bagues de ses doigts.
    — Nous les tenons, dit-il seulement.
    Puis il replongea dans ses méditations, oubliant
la présence du sénéchal, les yeux de nouveau perdus dans le vide.
    La nuit vint.
    Les assiégés tentèrent une dernière sortie, destinée
à incendier la pierrière qui bombardait les remparts sans relâche. Cette ultime
tentative échoua. Au contraire, elle donna aux armées ennemies une occasion de
pousser leur avantage. Il y eut quelques nouveaux corps à corps, par-dessus les
abîmes. Les femmes de Montségur, Corba de Péreille, Cecilia de Mirepoix, Arpaïs
de Ravat, leurs enfants même, se mêlèrent à cet ultime sursaut. Quand tout fut
achevé, on entassa comme on put les blessés et les mourants. Il s’en fallut de
peu que les Français ne se saisissent du château. La situation était devenue
insupportable.
    Aguilah ne s’était pas trompé.
    Au lendemain de cette nuit tragique, le cor sonna
longuement, renvoyé en écho par les vallées alentour.
    Un linge blanc fut déployé dans le ciel, sur
les remparts.
    Bertrand Marty, Raymond de Péreille et
Pierre-Roger de Mirepoix avaient pris leur décision.
    Montségur demandait à négocier.
    Pierre-Roger de Mirepoix descendit seul
pour parlementer.
    Il se rendit sous le pavillon d’Aguilah et se
retrouva bientôt en face de lui. Des Arcis, Ferrier et Pierre Amiel se
trouvaient là également. Mon Dieu, ce qu’il fait froid, pensa
Pierre-Roger en cet instant. Peut-être les frissons parcourant son échine ne
provenaient-ils que de sa fatigue, du cruel sentiment d’abandon qu’il éprouvait
à présent, et de cette impression que plus jamais, un soleil d’espérance ne
pourrait se lever sur Montségur. Mais il était venu pour négocier.
    — Les hommes, les femmes et les enfants
du château devront avoir la vie sauve.
    — Les parfaits et parfaites également, messire.
Oui, eux aussi auront la vie sauve : voyez que je devance votre demande. Vous
nous avez longtemps taxés de n’être que des bourreaux sanguinaires : admettez
enfin que l’Église romaine sait pardonner, elle aussi, aux errances des
croyants de votre secte. Nous avons admiré votre courage et ceux des habitants
de Montségur, cela est vrai. Vos ministres cathares auront la vie sauve – mais
ils devront, naturellement, abjurer leur foi devant Pierre Amiel, l’inquisiteur
Frère Ferrier, ainsi que l’évêque Aguilah, ici présents.
    — Cela est impossible et vous le savez.
    Des Arcis pencha la tête, soupira en regardant
Pierre-Roger d’un air condescendant.
    — Cette exigence, messire de Mirepoix, n’est
pas négociable. Et vous le savez.
    Il fallait être fort encore, pour tirer un
maximum de profit de cet entretien – et sauver des vies, autant que ce serait
encore possible. Pierre-Roger songea brièvement à cet enjeu.
    Et il sentit son estomac se nouer.
    — Vous ne pouvez nous demander cela, dit-il
en se raclant la gorge, tentant de mettre de l’assurance dans sa voix.
    — Vous aurez tous la vie sauve, dit le
sénéchal, je vous le répète. La vie, messire, voilà déjà un beau cadeau, n’est-ce
pas ? Mais vous comparaîtrez devant le tribunal de l’Inquisition.
    Pierre-Roger usa de tous les arguments pour
tenter de contourner cette injonction. Il en avait déjà parlé avec Raymond de
Péreille et Bertrand Marty : ils ne pouvaient que s’attendre à cette
condition posée par l’ennemi. Et les croisés seraient inflexibles. Alors, les
croyants de Montségur seraient renvoyés à leur propre foi. Ils seraient…
« libres ».
    — Je veux vingt jours de trêve.
    — Dix jours, rétorqua des Arcis.
    — Quinze jours, reprit Pierre-Roger, quinze
jours, ou nous nous battrons jusqu’au dernier.
    Des Arcis se tourna vers Aguilah d’un air
interrogateur.
    L’évêque, sombre, plissa les yeux. Il avait la
tête rentrée dans les épaules, une main devant sa

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