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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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resta bouche bée, la pioche à la
main. Il n’était pas question pour lui de creuser quoi que ce soit ! Pourquoi
se précipiter dans la tourmente et admettre de se mêler à ce combat, qui semblait
si éloigné du sien ?
    — Ton enfant, le sort d’une ville ! cria
Robert depuis la rue. Cela ne suffit pas à te décider ? Allez, petit, au
travail.
    Oui, il aurait pu partir, se jeter dans
une autre folie, détaler de la ville au risque de se faire massacrer par les
routiers et les brigands de la campagne, il aurait pu tenter de nouvelles
aventures. Mais celle-là ! Celle-là…
    Allez, petit, au travail.
    Une ville entière se préparait à l’assaut. Ils
étaient près de neuf cents, disséminés sur tout le pourtour de la cité. De
chaque maison affluaient des renforts réguliers. Hommes et femmes de toutes
conditions se ralliaient à la prompte défense que dirigeaient les bourgeois. Ils
sortaient des maisons du castrum, les bras chargés de gourdes, de
nourriture et de pelles, rejoignant les abords de la ville ; il n’y avait
pas une seule des ressources de la cité qui ne fut mobilisée par cette vaste
entreprise. Les capitouls étaient transformés en maîtres d’œuvre. L’index tendu,
ils déployaient les plans, indiquaient les travaux à mener, griffonnaient à la
hâte sur les rouleaux de parchemin qu’on leur tendait, criaient leurs ordres de
tranchée en tranchée. La fièvre les gagnait, à mesure que le soleil abaissait
sa course, et que le temps, implacable, continuait de s’écouler ; partout,
les hommes creusaient, un même cri semblait monter des abords de la ville, scandant
la mesure des coups assenés par des forêts d’instruments. Aux côtés de Robert
de Bayle, Escartille passait la main sur son front, attaquant le sol avec
retard sur ses voisins. Il ruminait contre sa faiblesse.
    — Nous serons prêts en temps et en heure,
dit l’aubergiste à côté de lui, comme s’il avait pu entendre les pensées du
troubadour.
    Ses bras puissants frappaient le sol en
soulevant des caillasses et des mottes de terre.
    — Et vous croyez que… ces fossés seront
suffisants ? dit Escartille, haletant. Votre Trencavel vous laisse tomber
comme de vieilles braies, oui ! Oh, je… je les connais, les bons seigneurs
de chez nous, j’ai… passé mon temps à chanter pour eux, à Puivert ! Ils
boivent, ils mangent, mais… ils ne sont pas fous au point de courir au suicide
comme nous le faisons !
    — Tais-toi, Escartille, et pioche !
    Escartille rajusta son galurin, leva les yeux
et regarda autour de lui. Le soleil continuait de descendre derrière les
collines. Une lumière perlée tombait sur l’immensité de ce chantier improvisé. Et
partout, au milieu des nuages de poussière, le troubadour contemplait cette
foule grouillante, qui tonnait, ahanait, chantait, riait, criait, ces têtes luisantes,
ces bras tantôt malingres, tantôt solides comme l’écorce des chênes, ces
monceaux de terre et ces paniers de victuailles qui circulaient entre eux – et
le troubadour s’adressa de nouveau à Dieu en silence. Il lui fit une prière
désespérée, se représentant soudain toute l’incongruité de la situation et de
cette guerre qui, après avoir couvé si longtemps en Occitanie, éclatait aujourd’hui
comme un coup de tonnerre.
    Qui suis-je en train de défendre ? Que
suis-je en train de faire ?
    Cette fois, j’en suis sûr, Seigneur, ce
monde que Vous avez créé est bel et bien absurde.
    Le matin suivant, alors qu’il se tenait
au-dessous des murailles avec Églantine, qui portait Aimery dans ses bras, Escartille
entendit le cri des guetteurs postés au-dessus d’eux. Il s’élança sur une
échelle et, en quelques appuis, se retrouva auprès des soldats, sur les
remparts. Il ne put s’empêcher d’écarquiller les yeux devant le spectacle qui s’offrait
à lui.
    Diable.
    Le long de la rive gauche de l’Orb, l’armée
ennemie installait des milliers de tentes et de chariots ; au cœur de
cette fourmilière, les croisés s’activaient avec leur chevalerie, préparant les
batteries de machines, glissant les boulets dans les pierrières ou les
trébuchets, alignant une à une leurs tours roulantes en prévision des
bombardements. Des escouades de mineurs n’attendaient que le signal des légats
pour creuser leurs galeries, afin d’ébranler le fondement des murs. Sous les
pavillons des chefs de guerre, on discutait des préparatifs de l’assaut, de la
façon de

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