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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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qu’il n’avait jamais
renoncé au catholicisme, en arguant du fait qu’il n’avait que vingt-quatre ans,
et que l’on ne pouvait lui reprocher des faits antérieurs à sa majorité. Cela n’avait
pas suffi à clouer au sol ces cinquante mille hommes qui ne pensaient qu’à
faire justice au nom du Christ. Trencavel alla s’enfermer avec les capitouls. La
ville allait être assiégée sous peu ; les croisés pensaient sans doute, pour
leur premier coup, s’assurer une victoire plus facile que la prise de
Carcassonne, qui seule pouvait leur résister. Le vicomte ne pouvait accepter de
s’emmurer à Béziers ; s’il déplaçait ses troupes maintenant, il risquait
de tout perdre d’un coup de dés. Durant les quelques heures d’entretien qu’il
eut avec les notables de la ville, il promit de leur envoyer des renforts avant
peu ; mais il devait retourner au plus vite vers sa capitale pour en
organiser la défense. La seule proposition qu’il put formuler était d’emmener
avec lui quelques hérétiques et juifs de la ville. Les capitouls comprirent la
décision de leur seigneur. Ils savaient aussi ce qu’elle signifiait pour eux, et
pour toute la population. Quinze lieues ! Cela signifiait qu’il restait à
peine deux ou trois jours pour se préparer au siège.
    Lorsque le troubadour arriva à l’auberge, il
se précipita sur Églantine.
    — Il faut déguerpir au plus vite, lui dit-il,
croyez-moi !
    Elle le considéra aussitôt d’un air
réprobateur.
    — Quoi, Escartille, quoi encore ! lui
jeta-t-elle avec un accent chantant, à couper au couteau.
    Ils étaient dans l’arrière-salle de l’auberge,
petite pièce où se trouvaient une table et quelques chaises de paille, au pied
desquelles jouaient les enfants d’Églantine. À l’intérieur de l’auberge, dans
la salle voisine, on entendait des éclats de voix. Partout, on débattait de la
situation. Le troubadour avait l’air bien déconfit, avec son galurin de travers.
Les poings sur les hanches, Églantine le toisa de haut en bas, le visage sévère.
Cette force de la nature le dépassait de deux bonnes têtes ; c’était une
citadelle à elle seule. Sa carrure imposante, la crinière blonde qui enserrait
son visage, tout concourait à impressionner les grands timides comme Escartille.
Elle lui arracha l’enfant des bras et le posa dans le berceau de paille qui se
trouvait là, comme un Jésus dans sa crèche. Elle tonitrua alors que c’était
folie de penser un instant fuir de cette ville et de l’abri de ses remparts.
    — Vous n’êtes pas bien, messire Escartille !
Que ferez-vous si en mettant le pied dehors, vous tombez sur ces milliers de
Français qui ne demandent qu’à étriper les cathares et les vagabonds ? Vi’al
perdon ! Ils ont des routiers avec eux, des Basques et des Aragonais, la
pire engeance de la terre ! Notre cher vicomte nous a promis des renforts,
les renforts viendront !
    Escartille eut beau arguer de toutes les
raisons imaginables, elle ne l’écoutait pas.
    — Cet enfant n’est pas préparé à
affronter une armée avec vous, Escartille.
    — Qui parle d’affronter qui que ce soit ?
s’écria le troubadour. Bien au contraire, il faut…
    — N’avez-vous pas entendu ce qui se dit
partout ? dit encore Églantine. Ils viennent de tous côtés ! Anatz, regardez-vous, Escartille, vous-même êtes encore un enfant, vous n’avez
rien d’un homme d’épée ! Vous ne savez pas vous battre ! Je ne vous
laisserai pas partir et risquer deux vies en courant à tous les diables !
    Ce fut alors que le pater familias fit
son apparition, de retour de la salle principale de l’auberge, qu’il venait de
fermer. Robert de Bayle tenait deux pioches en main. Il s’avança vers Escartille.
Il avait les bras noueux, le visage dur ; un nez épaté au-dessus d’une
épaisse moustache. Une tache de naissance ornait son front, dessinant une
étoile brune au-dessus de ses sourcils. Il jeta l’une des pioches dans la
direction du troubadour, qui l’attrapa au vol pour éviter qu’elle ne tombe. Puis
Robert s’essuya les mains sur son tablier.
    — Hardi, troubadour ! Rends-toi
utile, dit-il à Escartille d’un ton rude.
    — Mais… mais que voulez-vous que je fasse
de cela ?
    — Prends trois gourdes d’eau, fit-il pour
toute réponse. Nous allons creuser.
    — Creuser quoi ? demanda Escartille.
    — Les fossés, dit l’aubergiste, avant de
disparaître au-dehors.
    Le troubadour

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