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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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mêmes murs. Les hérétiques vivaient auprès des clercs de l’Église
romaine ; les uns et les autres avaient appris à se tolérer. Il arrivait
souvent aux croyants de se rendre à la messe pour satisfaire aux obligations
rituelles du dogme catholique, avant de recevoir dans la même journée le consolament cathare, laissant alors libre cours à une foi qu’ils vivaient
de façon plus ardente et plus secrète. Ici et là, sur les places, dans les
ruelles, les membres des deux religions s’observaient, s’agaçaient à plaisir, s’affrontaient
parfois publiquement ; chacun y trouvait sa liberté et, au bout du compte,
on préférait cela au bain de sang. Un peu plus loin, c’était une volée de
femmes cathares, ces parfaites qui avaient accédé à la prêtrise, à force d’obstination ;
revêtues de noir, elles enflammaient encore les sens du troubadour : elles
glissaient devant lui, leurs robes sombres dansant dans la brise, anges au
milieu des nuées. Il fondait d’émotion devant la poésie qui émanait de ces
déesses en sandales, de cette aspiration à l’absolue pureté qu’il pouvait lire
sur leurs visages, lui qui ne savait où se placer, ni qui défendre ; oui, elles
étaient des livres ouverts, des livres de chant, des odes merveilleuses ! Que
n’aurait-il donné, autrefois, pour posséder l’une d’entre elles, la souiller de
ses plus ardentes attentions, la baiser jusqu’à étancher sa soif, l’entendre
crier et l’appeler son Dieu ! Mais comment flétrir ces fleurs sans risquer
de les perdre ?
    Escartille entendit tout à coup des cris
autour de lui.
    Oh oh.
    L’agitation se répandait de place en
place. On se mit partout à chuchoter, à s’interroger, à discourir ; le
troubadour tourna sur lui-même, avec l’enfant dans les bras, voyant gagner le
flot de la rumeur. Ici, un ministre cathare accélérait le pas et s’engouffrait
sous le porche d’une maison ; là, des femmes tenaient conciliabule ; plus
loin, trois capitouls se dirigeaient ensemble vers le bâtiment où ils
délibéraient à l’ordinaire.
    Escartille fut aussitôt alerté.
    —  Que se passe-t-il ?
demanda-t-il à une bourgeoise qui le croisait.
    — Le vicomte Trencavel est annoncé d’un
moment à l’autre, lui dit-elle. Les croisés marchent sur nous.
    Oh non !
    Il fit une affreuse grimace.
    — … Ils ne sont plus qu’à quinze lieues d’ici !
dit-elle pour l’achever, avant de s’enfuir.
    Quinze lieues ! Seigneur, quinze
lieues !
    Le sang reflua de son visage.
    Il repartit vers l’asile des aubergistes en
toute hâte, manqua de trébucher sur une troupe de poules échappées du marché ;
les volatiles battirent de l’aile en caquetant tandis qu’il se pressait de
regagner le Grand Veneur. En chemin, il faillit être renversé par un
groupe de cavaliers qui se dirigeait également vers le cœur de la cité. Il
entendit de toutes parts des vivats que l’on jetait à l’adresse des arrivants ;
on se pressait sur le pas des portes, on acclamait les chevaliers depuis les
fenêtres, on déployait des drapeaux. Escartille ne tarda pas à comprendre :
les portes de la ville venaient de s’ouvrir à l’arrivée de Trencavel. Le
messager qu’il avait fait mander à Béziers était entré dans la cité une heure
avant lui ; les capitouls avaient à peine eu le temps de se rendre à sa
rencontre. Trencavel se rendait auprès d’eux dans la plus extrême urgence. Escartille
se logea sous un porche jusqu’à la fin du défilé, protégeant Aimery des nuages
de poussière que soulevaient ces cavalcades. Il eut le temps d’apercevoir ce
jeune homme en tunique rouge, à l’écu frappé des armoiries de Carcassonne :
le torse droit sur son cheval, les cheveux en bataille, il avait fière allure ;
pourtant, Escartille put juger à sa mine qu’il était dévoré d’inquiétude. Il n’y
avait plus un instant à perdre. Ainsi, c’était lui Trencavel, le Petit Pastoret, celui qui devait assurer la protection de la cité ! Oui, il avait l’air
vaillant, mais cela suffirait-il ? Et pourquoi n’était-il venu ici qu’avec
une poignée de soldats ?
    Escartille attendit que les cavaliers se
fussent éloignés et n’eut aucun mal à entendre les rumeurs qui se propageaient
dans toute la ville.
    Le vicomte revenait de Montpellier, où il
avait fixé une rencontre avec les légats du pape pour y faire valoir ses droits.
Il s’était défendu de soutenir l’hérésie, affirmant

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