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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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maintenant le paysage, était
surmontée d’une boule dorée et d’un aigle de métal fondu ; c’était une
constellation de ces aigles vengeurs qui étincelait sous le soleil.
    La rencontre fut sèche et rapide. Arnaud-Amaury
tendit à Renaud de Montpeyroux un rotulus de parchemin, dont il détacha
le ruban rouge, avant de le déployer sous les yeux de l’évêque.
    — Voici, Monseigneur, dit-il, une liste
de deux cent vingt-deux noms de personnes ou de familles hérétiques qu’abrite
votre ville. Que vous et les catholiques de Béziers nous livrent les cathares
dont le nom figure sur cette liste, et la cité sera épargnée. Dans le cas
contraire, vous périrez tous, par la volonté du Seigneur.
    Renaud prit le rouleau de parchemin.
    Loin derrière, sous une autre tente, Raymond VI,
comte de Toulouse, ravalait ses larmes de colère. Il était en armure, assis sur
le bord d’un lit. Il n’osait porter la main à cette épée fichée dans le sol, à
portée de ses doigts. De temps à autre, il se levait, faisait les cent pas, hochant
la tête en tous sens et poussant des jurons. Puis il venait se rasseoir. Il
pensait à cette terrible cérémonie qu’on lui avait infligée en l’église de
Saint-Gilles. Son dos était encore douloureux des coups de fouet qu’on lui
avait infligés. Il songeait à son neveu, Raymond-Roger Trencavel, avec lequel
il n’avait cessé de se disputer, et qu’il abandonnait aujourd’hui devant l’assaillant.
Et subitement, il se prenait à douter de la décision cruelle qu’il avait prise
en se rangeant aux côtés de l’ennemi pour mieux lui donner le change. Mais qu’y
avait-il gagné, en somme ? Sa propre sécurité ? Celle de sa
suzeraineté ? Certainement pas celle de son peuple, en tout cas. Qu’ils
étaient loin, à présent, ces banquets toulousains ! Et ces chants, ces
danses, ces réunions de poètes et de musiciens !
    Il leva vers le ciel son visage tordu de
douleur.
    — Excommunié ! Moi ! Que l’on
me demande de revenir au pape pour sauver des vies, passe encore ! Mais
que l’on me fasse assister au massacre des miens ! Que l’on m’invite à
porter l’épée contre eux, que l’on soutienne mon bras pour chasser nos propres
familles, comme une bande de chiens et de mécréants, cela m’est impossible, par
tous les saints !
    Il regarda le pommeau de son épée.
    Elle semblait l’attendre, fièrement
plantée en terre.
    Une heure plus tard, revenu dans l’enceinte
du castrum, Renaud de Montpeyroux tint conseil en la cathédrale
Saint-Nazaire, où il avait réuni les capitouls et la communauté catholique de
la ville. Brandissant la liste, énumérant un à un les noms qui s’y trouvaient
couchés, il finit par proposer à ses ouailles de quitter Béziers en abandonnant
les hérétiques aux croisés. Escartille assista à ce plaidoyer, se frayant un
chemin parmi la foule. Partout autour de lui, ce fut le tollé. Le troubadour
tournait sans cesse la tête de droite et de gauche.
    — Jamais ! Jamais nous ne céderons !
    — C’est odieux !
    — Comment peuvent-ils ?
    — Oui, qui sont-ils pour nous demander
cela ?
    — Ce qu’ils sont ? tonna Renaud de
Montpeyroux, perdant contenance à mesure qu’avançait la discussion. Ce qu’ils
sont ! Ils sont l’Église catholique, apostolique et romaine ! jeta-t-il
à la foule en postillonnant d’excitation. Et ils campent à nos portes ! Ne
soyez pas insensés, ne…
    — À nos portes ? Eh bien, qu’ils y
restent !
    Les capitouls refusèrent le marché, outrés, préférant
affronter la mort plutôt que de renier le serment qu’ils avaient fait à
Trencavel. Le troubadour ne pouvait s’empêcher d’admirer ces villageois qui, envers
et contre tout, croyaient en leur suzerain au point de faire passer les
intérêts occitans avant la protection de leurs vies ; mais, trop conscient
de leur folie, il hochait la tête sans pouvoir proférer une seule parole, ni s’unir
à ces cris jetés à l’unisson, qui les précipitaient toujours un peu plus vers
une dangereuse issue. Ils étaient là, jouant des coudes, se bousculant, une
forêt de lances, d’épées, de gourdins, de drapeaux de toutes sortes dressée en
la cathédrale. Ils étaient prêts à tout. Escartille pouvait déjà lire dans
leurs yeux la résolution de ne pas trembler, et de protéger leurs biens coûte
que coûte – jusqu’à la mort, s’il le fallait.
    Au beau milieu de la nuit, incapable de
trouver

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