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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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ses sangs se glaçaient. Un frisson atroce courut dans son dos ;
il lui sembla que ses os devenaient du plomb. Il prenait soudain pleinement
conscience de ce qui allait se produire.
    C’est le moment. Ils vont en profiter, Seigneur.
    Une sourde intuition lui commanda de détaler
aussitôt.
    Le chef des routiers jeta un cri. Une onde
parcourut les rangs ennemis.
    Et la meute s’anima.
    Cours, Escartille, file comme le vent !
    Tout se passa alors très vite. Le
troubadour entendit un sifflement, tout près de lui, puis un cri. Charles de
Montesquiou s’effondra, la gorge transpercée par une flèche. Escartille poussa
un cri à son tour, affolé. Charles porta les mains à sa blessure et ne
rencontra qu’un flot de sang. Le troubadour entendit le tintement de l’arme qu’il
venait de laisser tomber sur le sol. Le flacon d’armagnac s’écrasa sur la
pierre. Escartille se précipita vers le mourant, le rattrapant dans ses bras. Il
eut le temps de croiser son regard – mon Dieu, ce regard ! – avant qu’un
voile sombre ne le recouvre.
    — Charles ! cria-t-il, Charles !
    Sa main s’était crispée contre le bras du
jeune homme.
    Charles de Montesquiou était mort.
    Escartille repéra la fronde et le petit sac de
pierres qui pendaient à la ceinture du soldat.
    Il les arracha d’un coup sec.
    Pardonne-moi, Charles.
    Il se saisit également d’une dague effilée qui
traînait non loin du cadavre.
    David contre Goliath…
    Les traits d’Escartille se tordirent dans une
épouvantable grimace.
    L’enfant était avec les aubergistes, dans la
rue des Frères ; il fallait retourner auprès d’eux, tout de suite. Escartille
se jeta vers l’échelle ; un dernier coup d’œil vers l’extérieur de l’enceinte
avait achevé de le remplir d’horreur. Des centaines, bientôt des milliers de
personnes se levaient, abandonnaient leurs gamelles, nouaient leurs capes, se
saisissaient de leurs armes. C’était l’occasion, il fallait en profiter. Le
flot gronda, prenant de l’ampleur à chaque seconde, en réponse au signal qui
venait de leur être lancé. Et les gueux coururent vers le pont, en chemises et
braies loqueteuses, armés d’épieux, de fléaux et de massues. Ils se jetèrent
sans hésiter sur la côte escarpée. L’ennemi tentait l’assaut ; les lignes
multicolores de croisés se levaient à leur tour ; les chevaliers
regardaient en direction du pont, d’où leur parvenaient des cris de plus en
plus nourris. Les routiers se dispersaient de tous côtés, franchissant les
fossés, se précipitant contre les portes de la cité à coups de pics et de
béliers. Les bourgeois qui venaient de refluer n’avaient pas eu le temps de se
claquemurer. Oui, la brèche était ouverte, et les assaillants se ruaient dans l’enceinte
de la ville pour agrandir le passage.
    Le troubadour glissa le long de l’échelle.
    Hors la ville, le comte de Nevers venait
de faire irruption sous le pavillon du légat de Cîteaux, pour le presser de
saisir une opportunité qui, sans doute, ne se reproduirait pas. L’occasion
était en effet inespérée. Arnaud-Amaury ne balança pas une seconde. Ce fut
alors que Raymond VI approcha lui aussi du pavillon du légat. Il avançait
d’un pas vif, le visage sombre, la mâchoire serrée, l’épée à la main.
    — Eh bien, messire, le moment est venu !
lui lança Arnaud-Amaury. Je vois que vous avez votre épée. Montez donc sur
votre destrier et joignez-vous à nos Brabançons !…
    Le comte de Toulouse lui décocha un regard
noir ; le légat craignit un instant d’être pourfendu. Mais le comte, se
dressant de toute sa stature, ne bougea pas. Ses lèvres tremblaient.
    Au bout de quelques secondes, il planta son
arme aux pieds d’Arnaud-Amaury.
    — Jamais je ne lèverai le bras contre
cette ville, ni aucune autre du Languedoc. Je suis leur seigneur et vous, vous
n’êtes rien. Toulouse est ma capitale. Elle m’attend.
    Le légat rit et le considéra d’un air
méprisant.
    — Toulouse vous attend ?
    Il se pencha et dit, un ton plus bas :
    —  Nous irons la prendre.
    Et il ajouta :
    — Ainsi, nous ne sommes rien ?
    Il sortit de sa tente et jaugea à son tour la
situation. Il était temps de porter le premier coup contre les fils de Satan.
    Il leva le glaive et s’écria :
    — Messires, voici la consigne, au nom du
Très-Haut, au nom de Jésus-Christ !
    Et il ajouta, les lèvres déformées par la
haine :
    — Tuez-les tous ! Dieu

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