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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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dans son berceau ; Églantine
devait dormir dans la pièce voisine. Le troubadour refréna ses larmes en
caressant la joue de son garçon.
    Et dire que c’est à moi, à moi de te
protéger, moi qui n’entends rien à tout ce qui se passe…
    Il regarda ces petites mains, ce corps fragile
et recroquevillé.
    Je t’aime, petit morveux, je t’aime !
    Le lendemain, jour de la fête de sainte
Marie-Madeleine, les deux camps se faisaient face sous un soleil radieux. On se
toisait dans un climat d’arrogance et d’insouciance mêlées, s’échangeant des
invectives et des ironies de toutes sortes. Dès l’aube, Renaud de Montpeyroux
se retira, sous le regard réprobateur de la population, entraînant à sa suite
une partie des catholiques de Béziers. Escartille, de nouveau sur les remparts,
contempla cette triste délégation qui partait sans demander son reste : un
long défilé noir franchissait les portes de la ville, sous les sifflets. Montpeyroux
se tenait droit, il tâchait de conserver un peu de dignité ; ceux qui le
suivaient hochaient la tête en silence, sacs sur le dos, tirant les chariots
sur lesquels ils avaient entassé leurs biens.
    — Ah, ils sont beaux, nos amis ! Quel
courage, oui !
    — Retournez donc dans les jupons de la
Sainte Vierge !
    — Dites-nous si vous y trouvez la paix de
l’âme !
    — Ne soyez pas trop durs avec eux… disait
un autre. Ils sont peut-être moins fous que nous.
    Les hommes hochaient la tête avec tristesse, l’amertume
aux lèvres, le visage fermé, les yeux baissés devant les quolibets et les
moqueries des habitants qu’ils abandonnaient à leur sort. Les femmes versaient
des larmes, levant la main en direction des murailles, saluant cette ville qui
les avait si longtemps abritées et qu’elles abandonnaient aujourd’hui. Des
enfants pleuraient. Lorsqu’ils eurent disparu, le troubadour ne quitta pas la
dentelure des créneaux, absorbé par l’agitation qui régnait autour de lui. Les
assiégeants n’avaient pas terminé leur installation ; en fait, les combats
n’étaient pas attendus avant un ou deux jours. Escartille s’assit contre la
pierre, sur le chemin de garde, les pieds en éventail. Trompant sa peur comme
il le pouvait, il jouait aux dés avec Charles de Montesquiou. Il avalait de
temps à autre quelques gouttes d’armagnac, puisées dans la gourde de son
compère. Il faisait une chaleur telle que la plaine semblait fumante ; la
tête risquait de lui tourner bien vite. Il apostropha le soldat :
    — Holà, Montesquiou ! Dis-moi, combien
nous donnes-tu de chances de nous sortir vivants de cette aventure ?
    — Cela dépend de Dieu, mon ami, répondit
l’autre.
    — C’est bien cela qui m’inquiète. Imagines-tu
la raison de ce remue-ménage ? Une poignée de cathares, et voilà la terre
sens dessus dessous…
    — Quand tout cela sera fini, dit Charles,
j’utiliserai ma solde pour retourner à Agen.
    Ses yeux s’illuminèrent ; il se pencha
vers le troubadour et dit, sur un ton de confidence :
    — J’ai là-bas trois enfants et une
mignonne qui m’attendent ; je les ai trop négligés. Toi, le troubadour, tu
sais ce qui vaut la peine en cette vie ! Je suis las de vider mes flacons
sur les remparts ; quand bien même le pape viendrait chevaucher lui-même
avec les curés du monde entier, sitôt que les croisés lèveront le siège, je m’en
irai aussi.
    Il bâilla.
    — Voilà ce que je ferai…
    Avisant un oiseau qui s’était posé
imprudemment sur les remparts, il sortit de son justaucorps une fronde ainsi qu’un
petit sac de pierres.
    — Je ferai tomber les Français de l’ost
un à un, comme cet oiseau.
    Montesquiou fit tournoyer la fronde au-dessus
de sa tête, sous les yeux d’Escartille. Il écouta le sifflement de l’arme avant
que, d’un vigoureux coup de poignet, le soldat ne libère le caillou. Celui-ci
frappa l’oiseau de plein fouet ; il fut tué sur le coup et s’effondra à l’extérieur
de l’enceinte, avec une raideur comique, sans donner un seul battement d’aile.
    Escartille hésita à complimenter son camarade.
    — Ces petits instruments sont bien
pratiques, dit Charles au troubadour, en particulier pour le braconnage… Nous
organisions des tournois de fronde du côté d’Agen…
    — Allons, dit Escartille. Que peut ta
petite fronde contre une armée ?
    Montesquiou haussa les sourcils et sourit.
    — C’est David contre Goliath !
    Escartille entendit des cris

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