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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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capable de telles atrocités ! Il
pouvait exterminer son semblable sans le moindre discernement, pour des raisons
dites « nobles » ! Il était capable d’en finir, d’un coup, avec
une population entière ! De la rayer de la carte ! Il pouvait n’être
plus qu’un animal, un monstre ! Un monstre de violence, avide de chair !
Pour la première fois de sa vie, Escartille se prit à douter de la confiance qu’il
avait toujours mise en ceux de sa race.
    Il regarda la croix échouée sur le sol.
    Mais alors, mon Dieu, que faut-il croire ?
En qui faut-il croire ?
    Il se releva, hurla soudain son désespoir.
    — Où êtes-Vous, maintenant ? Pourquoi
ce silence ?
    Ta révolte est vaine, Escartille.
    Toute révolte est vaine.
    Ni Dieu ni Diable ne sont responsables.
    Mais l’homme…
    Cette guerre albigeoise n’était pas une guerre
de conquête. Ce n’était pas une de ces guerres habituelles, où les pouvoirs des
seigneurs s’affrontaient pour la possession de terres ou de richesses
matérielles. Non : c’était une guerre d’extermination. Il fallait
exterminer les cathares, systématiquement, au risque d’entraîner avec eux des
innocents.
    Escartille comprit que commençait en Occitanie
une guerre des âmes.
    Il l’avait longtemps pensé. Ce fut la première
fois qu’il le formula.
    Il s’entendit murmurer :
    — Quelle est cette nature singulière, mon
Dieu, qui fait que nous nous éloignons de la vérité dès que nous en cherchons
les causes ? Pourquoi nous précipiter sans cesse vers de nouveaux mystères ?
    Il regarda son fils.
    — Pourquoi avons-nous besoin de
rechercher les causes de notre vie ? Et quelle cause vaut la peine d’être
défendue si, à tout instant, mon enfant risque de périr de Votre main ?
    Il se leva, criant de nouveau.
    — Ne pouvons-nous vivre sans avoir rien à
défendre ? Se battre… Ils ne pensent tous qu’à se battre ! Voilà une
manie que je ne comprends pas. Quoi de plus sot, Seigneur, que de jouer les
loups pour défendre les agneaux, que d’user son temps à faire couler le sang, alors
que nous pourrions profiter de tant de beautés ? Je ne veux pas me battre,
mon Dieu, pas même en Votre nom – surtout pas en Votre nom !
    Il tournait à présent sur lui-même.
    — Pourquoi faut-il que nous soyons sans
cesse animés par cette insoutenable volonté de croire en quelque chose ? Si
c’est cela, Seigneur, si notre humanité et notre foi en la vie sont une même
chose, à quelle foi puis-je m’en remettre aujourd’hui ? Et si ce n’est pas
cela… si nous sommes voués au néant, quoi que nous fassions – à quoi bon
continuer à vivre ?
    Tu parles, Escartille, tu parles et tu ne
sais plus ce que tu dis.
    La voix du troubadour retomba, d’un coup.
    — Quelle fin saurait être bonne, murmura-t-il,
si les moyens dont nous usons sont ignobles ? Si toujours, Votre absolu
nous fuit comme une chimère ? Peut-on admettre qu’il n’existe aucune
vérité, sinon celle de l’homme qui prétend la détenir – et celle de ces
milliers d’autres, de ces milliers d’hommes qui prétendent le contraire ? Accusez-moi
de toutes les naïvetés, Seigneur, mais pas de celle-ci ! Que valent ces
soldats du Christ, et ces cathares qui veulent secouer leur joug de servitude, puisque
le résultat est identique ? Le Bien et le Mal n’ont plus de raison dans
ces jardins que l’on détruit. Pourquoi me sauver, Seigneur, tout en me poussant
le même jour à Vous renier, à cracher sur ces croix, sur ces tombes et sur tous
Vos beaux principes ?
    Ce constat éveilla en lui un trouble profond.
    Jaillie de nulle part, une pensée s’imposa
subitement à lui.
    Un jour, il te
faudra choisir. Tel est ton drame, et le lot de ta vie.
    Mais il existe une réponse,
    Et cette réponse, tu la connais déjà.
    —  Louve,
murmura-t-il. Louve !
    Et il ne resta bientôt plus que le silence, qui
se mourait avec le couchant.
    Alors qu’il allait s’endormir, épuisé, il
vit un chevalier, au sommet de la colline. Il crut tout d’abord qu’il rêvait déjà ;
les yeux du troubadour étaient nimbés d’une étrange clarté, due, peut-être, à
ses larmes et au soleil finissant. Cet homme, assis sur un destrier noir, contemplait
lui aussi les restes fumants de la ville. Sa cape tombait en larges pans sur
les flancs de l’animal. Son armure, autrefois scintillante, était ternie de
poussière. Un heaume luisant recouvrait son crâne. Il avait les yeux

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